Rémy par-ci.
Rémy par-là.
Surtout là.
Non pas là, là-bas.
Plus loin, tout au fond.
Appelle-le, pour voir.
Rémy !
Ah non, pas aussi fort, il risque de s'énerver. Il est comme ça, ce p'tit con, il aime se faire désirer. Qu'on dise son prénom d'une voix douce, presque une caresse. C'est son délire de persécution. Allez, recommence.
Voilà, voilà ... comme ça.
Il arrive, tu l'vois ? Mais si, là bas tout au fond, entre deux nuages de fumée. Mais non, il pleure pas, qu'est-ce que tu racontes ? Il doit être défoncé, cet idiot. C'est sa façon d'aimer et de crever. Fin, aimer, il sait plus trop faire. Ou au contraire, beaucoup trop, j'sais pas.
Rémy il est pas célibataire.
Pas en couple, non plus.
Il pleure tous les jours la même fille. Du matin au soir. Après les cours, il traîne sa carcasse jusqu'à l'hôpital du coin pour lui parler. Il y va lorsque la nuit tombe parce que tout le monde le traite comme de la merde. C'est lui qui conduisait cette foutue bagnole. C'est lui qui l'a mise dans le coma depuis tout ce temps.
Elle s'appelait Rose. Jolie, blonde et un peu plastique. Comment ça, j'parle d'elle au passé ? Mais Rose, elle reviendra pas. Ses parents sont à deux doigts de la débrancher ! Si, j'te jure, c'est Rémy qui me l'a dit la dernière fois lorsqu'il était trop bourré. C'con a même pensé à déplacer le corps pour la maintenir en vie avec lui.
Ouais, ouais, j'sais, il est con mais c'est ce à quoi consiste l'amour, non ? Perdre la tête.
Il sait bien faire le taré, Rémy. (du moins, mieux qu'il conduit)
J'l'ai vu tabasser un mec la dernière fois. Il lui avait rien fait, sauf peut-être le pointer du doigt pour le présenter. Rem' a littéralement pété un câble, c'était fou, y avait du sang partout. Le mec avait le nez cassé, faut dire qu'il s'y attendait pas. Le pire, c'est que personne a rien fait, tout le monde l'a laissé faire et l'a regardé avec cet air un peu con. On était là, spectateurs du sort de ce pauvre type. Certains se sont un peu reculés mais ils ont pas essayé de l'arrêter. Même moi, ça m'a pas traversé l'esprit. C'était hypnotisant. Quelque chose se dégageait de chacune des pores de sa peau. Un espèce d'aura magnétique, j'sais pas si t'arrives à l'imaginer. Rémy nous a lancé un regard en coin avant de se barrer, sans rien dire. Le t shirt en sang et les mains un peu abîmées par la force de ses coups.
à ce moment là, je l'ai admiré. Et je crois qu'ils étaient tous un peu comme moi.
J'suis sûr que dans une autre vie, Rémy aurait pu être l'un de ces adolescents qui débarque un matin comme un autre avec une arme à la main. Il la pointe sur ses camarades et professeurs. Il tire sur certains, juste pour marquer le coup avant d'en prendre en otage. Tu vois le truc ? Un peu comme dans les films. Avec ce qu'il dégage, on développerait tous un putain de syndrome de stockholm.
Il finirait par se faire tuer, bien sûr et on irait tous à son enterrement.

Merde, merde. Ferme-la, baisse les yeux, il va comprendre qu'on parle de lui, sinon. Lorsqu'il arrive, croise son regard mais fronce pas les sourcils. Rémy est une bête sauvage, nous sommes ses proies. à moins que ce ne soit lui-même, sa propre proie.
T'en penses, quoi, toi, de Rémy ?