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 MOI SANS TOI

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Coma
Coma

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MessageSujet: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyDim 14 Déc - 20:17

ça ne veut rien dire /
c'est comme un rire
qui trouve pas
vers où mourir



Quand on marche dans le couloir Isaias ne prend pas ma main sans faire exprès. Ni en faisant exprès. Il s’en fout. Ça l’intéresse pas de prendre mes doigts et quand j’essaie de tenir les siens il fait comme s’il avait rien vu et il les récupère comme si ça le faisait chier. Quand on va aux toilettes tout le monde sait ce qu’on va faire. Nos coucheries ça a rien d’étoilé, je les ai cherchées partout, les étoiles, à chaque fois j’y crois un petit peu, j’en imagine sur ses épaules, je me mens pour pas avoir trop trop mal. L’autre jour j’ai essayé de l’embrasser mais il a pas voulu non plus, il m’a dit quelque chose comme « dégage » et j’ai enlevé mon pantalon tout seul. Le seul truc qui me fait encore bander c'est quand je pense à la tête que Silas faisait quand il se rendait compte que j'allais l'embrasser. La spontanéité et l’instantanéité de son sourire, les lumières dans ses yeux comme si c’était tous les jours Noël, et cet air de paradis sur le visage comme si j’avais lui faire le plus beau cadeau de la Terre. Cet air qui se préparait à ajouter un autre nouveau baiser à la liste déjà longue.
Isaias
Silas
Ça rime putain.
Mais pourtant y a rien qui se rejoint.
Isaias est très grand, plus que moi, très brun, on voit ses muscles même sous ses sweats, Isaias ne sourit jamais, ses sourires c’est comme ses étoiles je les traque toute la journée et je commence à croire qu’ils existent ni l’un ni l’autre. Isaias ne me parle pas beaucoup et moi non plus. Il a l’air malheureux. Il doit être malheureux. Sinon, il serait pas avec moi. J’ai cru comprendre qu’il lui était arrivé la même chose qu’à moi. Il s’était trouvé un espèce d’ange avec des toutes petites ailes, tellement maigre qu’il était cassable, et puis il a déraillé, comme un sale train. Lui quand il me regarde manger il doit se dire pareil. Que je ressemble pas à son amoureux d’avant. Nan. Isaias c’est pas Silas. Mais au moins je suis pas tout seul. Lui non plus il est pas tout seul (Silas / aïe), j’ai vérifié, j’ai bien fait attention. Hier je l'ai vu manger avec Debbie. Ça m'a fait comme si quelqu'un avait mon cœur dans sa main et serrait fort fort fort. Ils avaient pas l'air heureux. On aurait mis une pancarte à côté d'eux, « dommages collatéraux de Coma », ça aurait été pareil. Le reste du temps, il est avec les connards. Les connards, s'ils existaient pas, on en serait pas là, et y en aurait plus qu'un sur terre : moi.
Mais on serait ensemble.
On serait ensemble.
J’ai mal tous les jours d’être avec Isaias et pas avec lui.
Et que ça rime malgré tout.
Ce matin j’avais tellement mais horriblement mal au cœur. Encore plus qu’hier. Mais quand même moins que demain. Alors je suis allé dans la salle de bain et j’ai dévalisé la boîte à pansements. Je les ai collés les uns par-dessus les autres sur mon cœur et puis j’ai tout enlevé parce que j’avais oublié de mettre le produit couleur caramel, celui qui guérit tout sans réfléchir. J’ai passé de la Bétadine sur ce bout de mon torse et j’ai recollé des pansements sur le tout. Je me suis regardé dans le miroir, torse nu avec mon cœur rembourré au sparadrap mais pas guéri pour autant. Je me suis trouvé con. Je me suis trouvé moche. Je me suis rendu compte que ça allait pas m’empêcher de me prendre d’autres coups de poing dans le cœur voire de continuer à m’en donner moi-même et que ça servait à rien parce que pour le réparer, c’était les doigts de Silas qu’il aurait vraiment fallu. J’ai craché à mon reflet et j’ai tout arraché. Tant pis pour mon cœur.
De toute façon il sait que tant que Silas sera pas revenu,
les pansements ça changera rien.
Tous les deux on se pose la même question le matin au réveil.
Quand est-ce que tu reviens ?
Quand est-ce que tu reviens ?
Quand est-ce que tu reviens ?
Quand est-ce que tu REVIENS ?
Et qu’est-ce que tu fais, en attendant ?
Moi, je pleure un petit peu tous les jours, parce que je peux pas vraiment crier.
Et mon cœur, il rame pour s’en sortir.
Il essaie de retrouver la lumière, je me demande quand est-ce qu’il va abandonner, et qu’est-ce qu’il va m’arriver à ce moment.
Est-ce qu’on peut vivre sans cœur ?
(Déjà que j’ai plus Silas.)
Silas et moi ça a vraiment commencé le jour où il est venu dormir chez moi pour la première fois. On avait huit ans et quand on s'est brossé les dents nos crachats de dentifrices se sont mélangés dans le lavabo. On a regardé ça bizarrement et on s'est regardés et on a vu des trucs qu'on comprenait pas et qu'on allait mettre encore presque dix ans à comprendre (surtout moi) : l'amour. Quand je pense à ça j'arrive encore un peu à sourire. Silas et moi ça s’est vraiment terminé le mois dernier quand je l’ai embrassé pour la dernière fois (sur la joue) et qu’il pleurait, qu’est-ce qu’il pleurait. Depuis, je comprends ce que ça fait d’être aveugle. Je rate les trottoirs, je vois tout noir même quand j’ai les yeux ouverts, je me cogne dans les gens et dans les réverbères sans m’excuser, je me trompe de bus et je trouve plus le ciel, j’ai beau lever les yeux tout ce que je vois c’est la nuit. La nuit à midi.
D’ailleurs ce midi je me suis caché dans les toilettes.
Mais tout seul.
J’ai pleuré pendant une demi-heure.
Comme une fillette.
Comme une tapette.
Comme un Coma sans son Silas.
Maintenant il est seize heures et je vais à mes heures de colle hebdomadaires. Je viens plus trop à l’école, y a des jours, je peux pas (le jeudi par exemple, parce que le jeudi c’était le jour qu’on séchait tous les deux pour aller faire du skate ou au cinéma, alors je continue de sécher mais tout seul). Quand j’ai demandé au surveillant pourquoi j’étais collé tous les soirs jusqu’aux vacances de printemps il m’a dit que c’était pour me forcer à venir au lycée. Il me laisse tout le temps tout seul dans la salle. Parfois il y a d’autres gens, je discute un peu avec eux, mais souvent je dors. Je pose mon sac sur ma table et je m’invente des rêves. Je me souviens de ceux que je faisais sans fermer les yeux, rien qu’en regardant son visage. Aujourd’hui, j’en ai tellement marre que même si y a un très très joli garçon dans la salle, je dormirai. J’ouvre la porte, j’ai déjà les yeux déjà à moitié fermés.
Eh mon cœur, pourquoi tu cries comme ça ?
Regarde en face de toi pauvre con.
Y a ... aïe putain, c’est le boomerang que j’ai lancé y a quelques semaines qui me revient enfin dans la gueule.
C’est un ange tout doucement tombé du ciel et qui a eu la malchance d’atterrir dans mes bras et de se prendre toute ma rage et toute ma mauvaise humeur.
(C’est S I L A S)
- Salut.
Ton cœur bat trop fort, on entend plus rien.
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Silas
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyLun 15 Déc - 10:58

Le cercle infernal est de retour. Encore des nuits à regarder le plafond à traquer les étoiles, le soleil, la lune mais surtout le sommeil. Dans mes rêves il y a Coma, Coma qui revient et moi qui le pardonne et qui dit on recommence. Mais ça a des airs de déjà vu, comme si c’était commun. Parce que c’est du déjà vu, on s’est déjà réconciliés, on s’est déjà promis monts et merveilles en jurant très fort qu’on ferait plus jamais de bêtises. Dans mes cauchemars il y a Coma, Coma qui est amoureux d’un autre garçon, Coma qui regarde un garçon comme il m’a regardé moi, avec tous les univers dans les yeux. Ces cauchemars-là, ce sont les pires. ce sont ceux que je déteste le plus et qui me font me réveiller en pleurant, le visage enfoncé dans l’oreiller pour pas que Debbie et les parents m’entendent.
Mais qui se préoccupe de moi quand Coma ne le fait pas ?
Personne.


J'ai essayé.
J'ai essayé de regarder les autres garçons. J'ai essayé de les aimer, de m'intéresser à eux. J'ai essayé d'être plus beau d'être plus grand plus fort et surtout moins gris. J'ai mis des pantalons un peu plus serrés, j'ai essayé de dompter mes cheveux, j’ai acheté un blouson en cuir mais ça m’a trop rappelé celui de Coma alors je ne le porte plus. Je me suis regardé des millions de fois dans le miroir. Tout ce que j'ai vu c'était un étranger. Des cernes qui tombaient jusqu'à la mâchoire, les coins de la bouche sous terre. Je suis vraiment pas beau. Je suis pas beau, pas beau, pas beau, pas beau. J’ai encore perdu quelques kilos et je ressemble de plus en plus à une pédale. J’ai l’air fané. J’ai perdu ma bouteille d’oxygène dans une salle de classe.
Je me suis même réconcilié avec Debbie.
Il est loin le temps où elle et Coma faisaient semblant de s'aimer de s'embrasser de se tenir la main de faire l'amour. Je lui ai dis qu’avec Coma c’était fini, qu’on ne se parlait plus. Elle m’a dit que c’était pas grave, que ça irait mieux, qu’il me fallait un peu de temps pour guérir. Elle avait vraiment l’air triste et désolé. On a beaucoup parlé. Elle m’a aussi expliqué que c’était peut-être pas le bon, que j’en trouverai un autre, celui qui m’apporterait tout ce dont j’ai besoin. J’ai eu envie de la gifler, de lui hurler qu’elle comprenait rien à rien. Parce que Coma a fait tout ça. Coma, depuis qu’on est des gosses, il m’apporte tout ce dont j’ai besoin. Même quand il est pas là il est là. Il crée des sourires, il efface les larmes, il invente des histoires pour s’endormir, il m’a appris à faire du skate, mes premières soirées avec de l’alcool dans nos verres c’était avec lui, mes premières cigarettes aussi, mon premier baiser, toutes mes premières fois c’est lui. C’est lui, c’est lui, c’est lui c’est pas un autre. Les autres auraient jamais été assez solides pour tout ça. Jamais.
Pire encore : Coma est avec un autre garçon. Coma est avec un garçon qui n'a rien à voir avec moi. Coma est avec un garçon et ce garçon ce n'est pas moi. Il ressemble à une statue prête à soulever le monde. Il a des airs de héros antique. Ça me rend triste et en même temps je me dis que Coma n'est pas tout seul. Au moins il a quelqu'un a embrasser, quelqu'un avec qui faire l'amour. Mais je les ai regardés et j’ai bien vu qu’il y avait quelque chose qui clochait entre eux. Ça n’avait rien à voir avec nous. Ils ne se touchent jamais, ne se regardent pas. Ils ont l’air étranger à eux-mêmes. Les « copains » de classe m’ont dit que c’était pas vraiment le cas, qu’ils allaient dans les toilettes et les vestiaires faire des trucs. J’ai arrêté de les écouter parce que je devenais tout livide et que j’avais envie de vomir. Maintenant je passe de plus en plus mes récréations tout seul. J’écoute de la musique qui me rappelle Coma et je pense à tout ce qu’on a fait ensemble et tout ce qu’on ne fera pas. Pendant les récréations je m’entraîne à devenir fort. Je ravale mes larmes jusqu’à ce que ça brûle dans mes paupières et dans ma gorge et après je suis content. J’essaie d’arracher toute la sensibilité que j’ai en moi.

Je ne sais pas comment je me sens. J'ai regardé plusieurs fois le vide en pensant m'y jeter mais à chaque fois j'ai reculé car j'ai su que les étoiles n'étaient pas toutes mortes. Qu'il reste quelque chose de bien enfoui mais qu'il fallait aller déterrer.

L'autre soir je suis allé dans un bar pour les homosexuels. J'en ai rencontré un qui portait un débardeur trop grand pour lui. Il m'a payé quelques boissons et l'alcool m'a délié la langue. Je lui ai dis à quel point Coma représentait plus que l'univers. Il hochait la tête. Il ne m'écoutait pas vraiment, je crois. Mais j’ai continué de parler et de prouver par a+b que Coma et Silas c’était mathématique, c’était physique, un truc avec plein de chiffres. Quelqu’un avait dû se planter dans les calculs, c’était pas possible autrement. Et le garçon hochait toujours la tête avec un sourire un peu triste sur la bouche, ma main dans la sienne. Après on est allé dans son appartement et c'est quand j'ai commencé à baisser son pantalon et son caleçon que je me suis mis à pleurer. Il s'est retrouvé à demi-nu à me bercer les épaules en me disant ça va aller, ça va aller. Il m’a raccompagné à la maison. Je ne l’ai jamais embrassé.
La dernière fois que j’ai embrassé quelqu’un c’était Coma.
C’était Coma
C’était Coma.
C’est toujours Coma. Coma partout, Coma tout le temps, même le trottoir me rappelle son visage, son corps, ses mains, son skate, ses fringues, sa voix, ses yeux.
J’ai été en retard plein de fois ces derniers-temps alors ils m’ont collé. J’y suis allé avec les poings au fond des poches, la mine grise, en colère, fâché. Je suis assis à la table la plus au fond et j’ai mon sac posé dessus. Je regarde le mur devant moi fixement, comme si j’attendais qu’un miracle arrive, qu’un super-héros apparaisse et m’emmène avec lui loin d’ici.
Sur une autre planète.
Là où les heures de colles et la tristesse n’existent pas.
La porte de la salle s’ouvre. Je regarde et oh. Mon cœur tombe en miette. Tout se désintègre à l’intérieur de moi et j’ai des millions de souvenir qui remontent à ma tête. Mes mains se mettent à trembler dans tous les sens et je les cache entre mes cuisses serrées. J’ai les sourcils qui se haussent un peu, ma bouche de traviole qui essaie même pas de sourire parce qu’elle a oublié comment il fallait faire. Pire encore, je le dévisage comme s’il avait l’air d’un ange, de la huitième merveille du monde. Une bouffée d’étoiles en pleine gueule, voilà ce que ça fait. L’apparition cosmique est de retour et cette fois-ci ce n’est pas un mirage puisqu’il dit
- Salut.
Je voudrais hurler et me jeter contre lui. Taper un peu dessus (les derniers coups) et puis l’embrasser, l’embrasser des millions de fois jusqu’à ce que ma bouche disparaisse.
- S-salut.
Ma voix bute sur les lettres, ça trébuche dans tous les sens, ça se prend le trottoir dans les dents mais ça se relève. Mes yeux tombent sur mon sac en pagaille. Je remonte les mains dessus et j’arrête de me cacher. Je prends des inspirations silencieuses. Je suis incapable d’avoir la haine. Je l’ai enterrée depuis quelques jours. Je crois que mon cœur désespéré est trop heureux de le voir là.
- Ça va ?
Des millions de nœuds dans la gorge.
J’espère qu’il va dire non.
Des millions de bateaux sur la mer en colère de mon ventre.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyLun 15 Déc - 19:51

Ça me fait comme un massacre à la tronçonneuse à l'intérieur de le voir comme ça. Là. Sur sa chaise. Tout simplement. Tout Silas. J'espère que je suis pas en train de pleurer. Parce que ça m'arrive souvent en ce moment, sans m'en rendre compte. C'est comme ça qu'hier soir à table maman m'a dit « Coma, tes larmes trempent dans ta soupe », sans avoir l'air vraiment inquiète de me voir pleurer sans faire exprès dans mes tomates en purée. Putain mais même ma mère elle sait pas comment s’y prendre avec moi alors que Silas, alors que ce bout de paradis en face de moi que j’aurais pu ne jamais rencontrer si j’avais habité une autre ville, alors que lui, là, tout petit, avec ses bras tout maigrichons, il a toujours été capable de faire partir mes larmes (très loin, je sais même pas où, je sais même pas comment il faisait). Tu veux plus me voir, d’accord, mais mes larmes, tu peux pas les dégager à distance ? Et là, je suis là, tu peux pas les enlever aussi ? Elles sont au bord de mes yeux, regarde.
(Et mon cœur danse un peu.
Il attendait plus que lui.)
- S-salut.
Je crois que je ferme les yeux.
Genre c’est la première fois depuis longtemps que quelque chose de joli court jusqu’à mes oreilles. Et quand je l’écoutais discrètement parler avec les connards au coin fumeur, ça compte pas, c’était pas sa vraie voix, celle qu’il prend pour moi, qui est différente parce que lui et moi c’est différent.
- Ça va ?
J’ai envie de pleurer.
- Ouais.
J'ai haussé les épaules pour rajouter un « enfin non pas trop » silencieux. Un que ça me ferait trop mal de dire. Je lui pose pas la question parce que je sais que lui ça va pas, ça se voit partout sur son visage pourtant je l'ai pas regardé tant que ça. Mais ça se voit quand même. Ça se voit sur son front qui sait même plus comment faire pour pas s’effondrer sur ses yeux. Ça se voit sur ses sourcils blonds froncés par-dessus ses deux minuscules océans (très grands après l’amour), comme une couverture par-dessus ses paupières. Ça se voit sur sa bouche, on dirait qu’elle est plus petite qu’avant parce qu’elle sourit plus trop. Et puis je l’ai vu l’autre jour. Tu sais. Quand toi tu entrais dans les toilettes et que j’en sortais avec Isaias, on a failli se rentrer dedans tous les trois. Je tenais Isaias par la main pour une fois, parce qu’il venait de pleurer un tout petit peu. On a fait semblant qu’on savait pas qui on était, mais moi je t’ai un peu regardé et j’ai vu. J’ai vu la tristesse dans tous les muscles, courbes, grains de beauté de ton visage. Ça m’a fait mal comme jamais.
Ouais, ça va.
Pauvre nul.
Finalement je me bouge pour aller m’assoir à côté de lui, je vais pas rester planté là jusqu’à dix-huit heures et en allant vers lui je regarde un peu le ciel par la fenêtre, il est bleu parce qu’il est encore trop tôt pour la nuit. Ça me surprend un peu. Ça fait longtemps que je l’ai pas vu de cette couleur. Je le voyais en gris ou je le regardais même pas. La nuit, le soir, je le regarde encore un peu. Je m’assois sur le bord de ma fenêtre avec ma couette et ma cigarette (mais sans Silas) et je regarde le ciel noir, parce que ça, je le vois bien. Du noir, j’en ai partout dans mon cœur. Je fais coucou aux étoiles (quand j’arrive à bouger les bras), je regarde les avions et je les confonds parfois avec des étoiles. Hier soir je me suis demandé si les avions que je vois voler au milieu des étoiles ils les touchent, aussi. Silas il aurait pu répondre à ma question j’en suis sûr. J’ai déverrouillé mon téléphone et puis je me suis retourné pour le jeter sur mon lit.
Je me suis demandé aussi
Mais qu'est-ce qu'il s'est passé déjà ?
Pour qu’on devienne comme ça, pour qu’on survive pas à ma connerie.
On a dû trop regarder le ciel
Et se dire « bon, stop, ça fait mal au cou à force ».
(Non, c’est pas vrai, c’est juste, juste de ma faute.)
J’suis désolé, j’suis désolé. Ça se voit dans mes yeux, non ?
J’ai besoin d’toi, j’ai besoin d’toi. Non mais t’as vu un peu à quoi je ressemble ? T’as vu l’état de mon t-shirt, t’as vu comme elle est crade ma veste en jean, comme si je l’avais salie avec toutes mes conneries. Mais je porte un jogging au lycée et je m’en fous tu te rends compte un peu ? Et t’as vu mes yeux ? Ils font que de pleurer depuis que je suis parti (le premier, pour pas que ce soit toi d’abord, pour moins m’effondrer). Et mon cœur tu peux pas le voir mais je t’en parle même pas. Il est devenu tout minuscule, je sens qu’il prend moins de place qu’avant dans ma poitrine, il se fait tout petit, il se range dans un coin, il reste pour continuer de faire son job d’organe mais pour le reste y a plus personne, y a plus Silas donc il se replie sur lui-même. Voilà. Je fais tâche à côté de toi, parce que j’ai remarqué. J’ai remarqué ton nouveau jean et tes cheveux plus courts et mieux coiffés. Puis t’as toujours tes airs de poète perdu et d’ange qui comprend pas trop ce qui lui arrive. T’as toujours ta troupe d’étoiles qui gravitent autour de toi. T’as toujours tes yeux en forme de soleil, ça, je pourrai jamais te l’enlever. J’ai essayé pourtant, sans faire exprès, mais ils sont toujours là, fidèles au poste, fiers comme des paons, ils me tirent la langue pour m’en mettre plein la vue et moi je souris parce qu’ils m’avaient manqué.
Beaucoup.
Des tonnes.
À la folie.
À chaque fois que j’ouvre les yeux.
Samedi j’avais tellement de trucs dans la tête que j’ai dû écrire pour mettre de l’ordre et ranger un peu mon bordel d’idées. Un peu comme l’autre fois (y a un million d’années) quand je lui ai écrit une lettre d’amour. J’ai pris mon stylo et ça tremblait et puis surtout j’arrivais même pas à comprendre par où fallait que je commence. Mon poignet était prêt à bien attacher les lettres entre elles et tout, mais je savais pas quelles lettres poser sur la feuille. Y avait trop de poussière là-haut. Et puis j’ai arrêté de réfléchir et j’ai fait la liste des choses que je veux. J’ai écrit :
Je veux les bras de Silas
Je veux être avec Silas
Je ne veux plus faire de mal à Silas
Je veux marcher sur les bords des trottoirs avec Silas
Je ne veux plus faire pleurer Silas
Je veux arrêter les conneries
Je veux Silas.
Je veux plus Coma.
J’ai relié certaines phrases les unes entre les autres et c’est là que j’ai compris que y avait quelque chose qui allait pas, que y avait des vœux qui allaient pas ensemble, qui pouvaient pas marcher côte à côte. Je sais plus si j’ai un peu abandonné. Je crois que oui. Mais c’était samedi. Samedi, j’étais pas assis à côté de lui comme là, avec son parfum du ciel qui vient jusqu’à moi, son parfum qui me donne tellement l’impression d’être rentré à la maison. Que le reste, on s’en fout. On s’en fout que je puisse pas aimer correctement et on s’en fout qu’il m’aime quand même, tant qu’il y a de l’amour. On s’en fout si ça peut pas marcher, pas encore. On s’en fout parce que s’aime, nan ?
- Bon, moi j’dors.
Je devrais écrire un livre.
« L’amour pour les nuls : briser les cœurs et être nul avec. »
J’ai sorti mon iPod et j’ai mis mes deux écouteurs et j’écoute une chanson qui s’appelle « I Need You ». Celle d’après c’est « Miss You » et encore après c’est « I Love You ». La playlist s’appelle Silas. Et elle raconte à ma place tout ce que je suis pas capable de dire correctement.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyMar 16 Déc - 19:24

Ça m'a fait un tremblement de terre à l'intérieur du corps lorsque la porte s'est ouverte sur son visage. Je vous jure, tout a tressauté à l'intérieur de moi comme avant une panne électrique sauf que là ce sont tous les voyants qui se sont allumés. J'ai dû ressembler à un sapin de Noël. Ça devait éclairer de partout sur mon visage, de quoi éblouir tout le voisinnage.
J'ai beau avoir toute la colère du monde envers lui, toute la rage, l'amertume ... Je sais pas le détester. J'ai essayé, pourtant. J'ai bien essayé de lui tourner le dos, d'oublier sa gueule cassée, ses sourires maladroits, l'océan de ses yeux. Mais voilà le problème c'est qu'il est toujours là. Toujours là. Je suis malheureux sans lui. Tout me ramène à sa personne. Même Debbie, même Debbie qui n'a rien demandé me fait penser à lui et j'ai les larmes aux yeux quand je la regarde. Mais pas les bonnes larmes. Celles qui me rappellent à quel point je suis triste et à quel point je me sens vide, sans lui. C’est qu’on s’habitue vite à toujours avoir quelqu’un avec soi. On s’habitue très vite à la compagnie et puis surtout à l’amour. On s’habitue aux mains qui s’enlacent, aux caresses discrètes et pourtant bien présentes. Et puis un jour, on fait des bêtises. Un jour on fait des bêtises et on se retrouve  tout seul. On se retrouve tout seul et très con, aussi. Alors moi depuis trop longtemps je traîne ma carcasse dans les rues et en espérant voir sa silhouette, lui rentrer dedans, tomber dans ses bras sans faire exprès, lui sourire et dire allez, on recommence. On recommence tout comme avant, mais sans se tromper, en restant bien sagement dans le sentier tout tracé. Mais si, tu sais bien, celui qui emmène très haut, jusqu’aux étoiles et tout.
- Ouais.
(avec un haussement d'épaules)
Je tente un sourire mais ça rate. Je sais plus comment faire. J'ai oublié comment on faisait pour étirer les coins de la bouche jusqu'aux oreilles. Silas qui ne sourit pas ce n'est plus vraiment Silas. C'est un fragment de lui, quelque chose de fade. Une pâle copie. Il vient s'asseoir à côté de moi et je le regarde un peu plus. De haut en bas, avec les yeux qui ne se gênent pas pour le manger. J’ai les paupières gourmandes. Ça faisait très longtemps que je n’avais pas vu un aussi beau garçon. C'est la vérité mais il ne ressemble à rien. Avec moi il était plus lumineux, mille fois plus solaire. On aurait dit un ciel. Aujourd'hui aussi il ressemble encore un ciel mais un ciel d'automne avec du vent et de la pluie. Pas ceux qu’on aime regarder. Ceux dont on se cache, ceux dont on s’abrite. Avant c’était un ciel d’été, un matin d’hiver. Et on pouvait rester des heures à le contempler même s’il fallait se casser le cou. J’aurai pu me casser des milliards de fois le cou pour lui. J’aurai pu faire le tour du monde sur les genoux pour lui. Aujourd’hui je sais pas si je serai capable de faire tout ça pour lui. Je crois qu’il faut juste qu’on souffle un peu sur mes braises, qu’on me ravive un peu. Peut-être que ça reviendra. L’envie. L’envie de me battre pour lui, de me battre pour nous. Je sens qu’elle revient un peu, timidement. Je la sens là, dans mon cœur. Elle me murmure qu’elle aimerait bien tenir sa main, toucher un peu sa peau, le prendre dans mes bras. Lui parler, aussi. Avoir une vraie discussion. Puis aussi faire un tas de jolies choses comme aller au cinéma, faire l’amour, manger des pâtes, fumer une cigarette à la fenêtre de sa chambre, lui dire que j’l’aime toujours, lui écrire quelques poèmes avec les mains.
Il porte un jogging (je le reconnais parce qu'il a déjà dormi avec les fois où on ne dormait pas nus et aussi les dimanches où il s’habille toujours n’importe comment) et sa veste en jean qui est toute tachée. Mes sourcils se froncent un peu. D’habitude Coma il est tout soigneux de sa personne. Je le sais parce que je suis le seul qui saccage ses cheveux, je suis le seul qui enlève son tee-shirt, son pantalon, ses chaussettes. Je suis le seul qui a le droit de froisser ses fringues. Coma il est toujours mieux habillé que moi. Ses vêtements lui vont toujours bien, c’est très bien coupé. Moi c’est toujours trop grand, parfois déchiré. Mais on s’accordait bien. On s’accordait vraiment très bien.
Quand il s'assied il m'envoie de l'air en plein dans le visage. Ça me fait une bouffée d’oxygène et je ne peux pas m’empêcher de fermer un peu les paupières pour inspirer. Je sens son effluve qui monte jusqu’à mes narines et je repense à toutes ces fois où mon nez est venu chatouiller la pente de son cou, le nombre de fois où mon nez est venu contre sa peau pour le respirer, à toutes les fois où mes mains se sont fermement agrippées à lui parce que j’étais tout concentré à m’enivrer de lui.
- Bon, moi j’dors.
Je le regarde avec des yeux immenses.
Il met ses deux écouteurs et plonge sur la table, le visage caché dans ses bras.
Je me mets à trembler des doigts. Un peu trop fort. La colère remonte à la surface comme une fusée.  Ça siffle dans mes oreilles. J’aimerais lui hurler dessus, le secouer, serrer son cou entre mes doigts jusqu’à ce qu’il se rappelle qu’ile st encore vivant et que je suis là, à côté de lui. Mais je ne fais rien. Je le regarde, incrédule. Ça bouillonne à l’intérieur de moi et je sens des larmes qui grimpent pour venir sur le bord de mes paupières. Il m’aime plus ? Il m’aime plus, c’est ça ? Pourtant c’est pas lui qui m’a parlé de passer notre vie ensemble ? C’est pas avec lui que je fais un mariage officieux devant les étoiles et dans la pénombre de sa chambre ? C’est pas avec lui le Grand Amour, celui qui tient éveillé, qui fait tenir en vie et surtout debout ? C’était pas avec lui, tout ça ? C’était avec qui alors ? Un sosie de Coma Nobody, un garçon qui avait pris son enveloppe corporelle pour me faire croire aux jolies choses de la vie ?
Oh l’imposture.
Je passe mes doigts dans mes cheveux. Je les ai encre coupés. Et à chaque fois que je m’engueule avec Coma, je les coupe. Vous savez pourquoi ? Coma c’était la seule personne à me dire qu’il aimait bien quand je coupais mes cheveux. Coma c’était le seul à passer ses mains dedans très amoureusement en me disant que je devais pas les couper et que si je voulais le faire c’était pas trop court. Il m’a toujours fait sentir très beau et invincible, Coma. Il a toujours réussi à faire tout ça et aussi à me propulser dans les étoiles plus d’une fois.
Je regarde sa nuque qui disparaît dans sa veste en jean.
Je me penche vers lui et je retire l’un de ses écouteurs.
Je colle ma bouche à son oreille.
- Tu l’aimes, l’autre garçon ? Est-ce que tu l’aimes autant que moi tu m’as aimé ?
Je sais que non je sais que non je sais que non je sais que non je sais que non.
Je suis jaloux. Je suis le garçon le plus jaloux du monde. Et si je faisais dix kilos de muscles en plus je serai allé lui casser la gueule, je l’aurai cogné jusqu’à briser ses airs de statue. Et je lui aurai dit de plus jamais poser ses mains sur Coma. Parce que Coma, il est à moi. C’est tatoué à l’encre invisible sur chaque parcelle de ma peau.
Je tire son sac de dessous sa tête et je prends une feuille et un crayon.
Dessus j’écris :


pourquoi tu ne fais rien pour nous sauver ?

Dis, Coma. Est-ce que tu regardes toujours le ciel ? Parce que moi, j’ai jamais arrêté. J’ai jamais arrêté de lever la tête parce que je me suis dis que je finirai bien par voir une étoile filante, un deuxième soleil, une soucoupe volante. J’ai jamais arrêté parce que j’ai espéré que même en étant loin de l’autre il arriverait bien une seconde où on regarderait le même ciel, au même moment. Il arriverait bien une seconde où toi aussi tu aurais aperçu le rose du firmament matinal.
J’espère que toi aussi tu rêves encore.
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Coma
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyMer 17 Déc - 19:56

La chanson s’écoule doucement, puis touche à sa fin, un peu comme moi.
Je comprends pas vraiment les paroles, elles ont du mal à pointer par-dessus la musique.
Mais j’entends bien I need you.
I need you.
I need you.
Je le dis silencieusement, en rythme avec le chanteur, les yeux fermés très fort trop fort pour résister à la tentation de les ouvrir et de regarder Silas. De regarde Silas. De regarder Silas. Jusqu’à ce que mes yeux en peuvent plus. Jusqu’à ce qu’ils demandent la permission de se fermer un instant. Le regarder sans rien dire parce que je sais plus quoi dire, je sais plus où j’en suis, j’ai perdu ma boussole et c’est pas parce qu’elle est juste à côté de moi (lui) que ça règle le problème. Le regarder mais je sais qu’il se laissera pas faire, je sais qu’il va me mettre un vent et pas me donner le droit de l’admirer. Je sais qu’il va vouloir qu’on parle. Je me demande même comment ça se fait qu’il m’ait laissé poser la tête sur mon sac et enfiler mes écouteurs juste en disant « bonne nuit, à dans une heure et puis dans une heure, on se dira à jamais ». Ou « à bientôt », c’est pas mieux ça, parce que tu sais pas du tout où ça mène.
Je sais pas où on va, nous.
Pas droit dans le mur.
Ça c’est déjà fait.
Alors où ? On retrouve quand le paradis ?
La chanson a changé et maintenant c'est celle qui n'a pas de paroles et qui rebondit tout doucement par moments, on dirait mes larmes hier soir quand elles tombaient sur mon bureau. Sauf qu'elles tombaient juste. Celle qui dit mais seulement dans son titre « Miss you ». Mais pourtant ça s’entend dans toutes les notes. C’est moi qui ai dû écrire cette chanson, dans une autre vie, quand j’étais avec un garçon très beau et que je lui ai tordu le cœur, j’ai écrit cette chanson. Je m’améliore pas. Dans cette vie-là, je suis juste avec un autre mec. Et je sais même pas écrire des poèmes.
Y a ses doigts, ils effleurent mon oreille.
(Il reste combien de temps jusqu'à ce que je puisse recommencer à le toucher ?)
Je sais pas si c’est mon imagination ou si c’est pour de vrai.
Ça doit être réel parce que si c’était dans ma tête, la caresse s’éterniserait un peu plus, et il m’embrasserait, aussi. Là, c’est même pas une caresse, il m’arrache juste « Miss you » de mon oreille gauche.
J’ai mis le volume au maximum, est-ce que t’entends comme elle est triste ma chanson ?
Est-ce que t’entends comme je suis triste moi aussi ?
Est-ce que t’entends à quel point tu me manques ?
- Tu l’aimes, l’autre garçon ? Est-ce que tu l’aimes autant que moi tu m’as aimé ?
Je le regarde sans bouger pendant bien quinze ans, d'abord parce qu'il est très beau et puis parce que j'ai du mal à  comprendre sa question. Sa question me fait tomber par terre métaphoriquement, glisser de ma chaise. Mes yeux doivent être énormes, à peu près comme la première fois que je l’ai vu tout nu (enfin la première fois quand j’étais amoureux, les autres fois, dans les douches à l’école, ça compte pas et d’ailleurs, c’est pas ces fois-là qui me font le plus mal, c’est cette toute première fois, après la cave, après le pansement, après le poème, après / avant.). J’ai envie de crier, j’ai envie de m’en aller. J’ai envie de lui demander pourquoi il parle au passé. « Tu m’as aimé », mais c’est quoi ces conneries, parce que je l’aime plus, maintenant ? Et depuis quand ? J’suis pas au courant. On m’avait pas dit. Putain, non mais personne m’a prévenu. Alors, moi, je continue de l’aimer, hein. Je me gêne pas.
Je mets du temps à me décider alors il me pousse et il prend des trucs dans mon sac.
(In the waves I’ve lost every trace of you.
Oh where are you ?)
« pourquoi tu ne fais rien pour nous sauver ? »
Pourquoi tu ne fais rien pour nous sauver ?
Pourquoi tu ne fais rien pour nous ?
Pourquoi tu ne fais rien ?
Pourquoi tu ?
Pourquoi ???
Je lui arrache la feuille des mains en faisant bien attention à pas les toucher. Je serais capable de l’embrasser. Mais on ferait quoi, après ? J’écris vite, j’écris mal, je fais des ratures et des fautes à tous les mots, j’appuie tellement fort la mine du crayon sur le papier que ça fait des trous par endroits. C’est pour pas pleurer mais y a quand même une connasse traitresse qui arrive à s’échapper, juste parce que j’ai la tête un peu trop penchée. Je l’essuie, j’espère que Silas a rien vu et je lui redonne le papier. Je suis tout rouge et je le regarde pas. Je garde la tête très droite pour que tout le monde reste à sa place, cette fois (les larmes).
« Pourquoi tu me demandes des trucs comme ça ?
Ça se voit pas que j't'aime toi ? Faut que je te le
dise en plus ? Mais à quoi ça sert ? J'suis même
pas capable de te garder. J'fais rien de ma vie
depuis l'début du mois de décembre et j'attends,
voilà. J'attends que tu deviennes assez fort,
méga fort pour survivre à tout ce que j'fais de
travers, et j'attends moi d'être assez mature
pour faire ce qu'il faut. Mais j'sais pas tu sais.
Enfin j'y crois mais c'est très très loin, très très
au fond. Je sais pas comment y aller. J'suis
désolé. Pour ça et pour ce que j'ai fait aussi.
J'te demanderai juste de respecter un peu
mes sentiments et de pas me poser des
questions comme ça. C'est juste pour
pas être tout seul. »
Je t’aime.
Mais c’est tout ce que je peux faire. Je peux le faire très longtemps tu sais ? Mais je sais pas marcher. Je sais pas me battre. Je sais pas gagner. Je sais pas aller droit. Je sais pas être gentil. Je sais pas faire attention à chacun de mes gestes. Je sais pas faire les choses correctement. Je sais pas comment on réussit à pas tout foutre en l’air. Par contre je t’aime. Toi et pas quelqu’un d’autre. Je t’aime. T’es ma première pensée le matin. T’es ma dernière pensée le soir. Tu seras ma première pensée en 2015. T’es ma seule pensée quand je marche, quand j’ai mal au cœur, quand je monte dans le bus, quand je mange, quand j’arrive pas à dormir, quand j’ai pas envie de faire mes devoirs, quand je vois quelque chose de beau, quand je regarde les étoiles et que j’y crois plus trop, quand je déverrouille mon iPod, quand je parle à quelqu’un, quand je prends une inspiration et quand je lâche une expiration, quand je croise quelqu’un de beau mais quand même pas autant que toi, quand je passe une commande tout seul chez macdo, quand je me cache sous ma couette, quand je me regarde dans le miroir, quand je croise ma mère dans l’escalier et qu’elle ne voit pas que je vais pas bien.
- Je sais pas quoi faire d'accord ? Et je sais plus quoi te dire.
Et ma voix tremble, tu comprends pourquoi ?
J’aimerais tellement effacer tout ce que j’ai pu faire de mal. Passer un coup de chiffon sur le tableau blanc noirci de mes bêtises, comme font les profs quand ils m’interrogent et que je vais écrire n’importe quoi comme équation. J’aimerais faire exactement pareil. Je retournerais à ma place (les bras de Silas), et y aurait plus rien sur le tableau. Que du blanc. Que de la lumière. Et des kilomètres pour faire de jolis dessins. Mais non. Faut croire que mes conneries sont écrites au stylo indélébile.
Combien de fois on peut recommencer quelque chose ?
On peut vraiment réécrire par-dessus le blanco ?
La dernière fois que j'ai fait ça, le blanco était pas vraiment sec et j'en ai mis partout.
Il faut installer de nouvelles étoiles.
Des copines qui nous lâcheront pas.
Des vrais renforts.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptySam 20 Déc - 21:09

Voilà, c’est difficile. C’est difficile d’aimer Coma. Et je veux pas dire ni penser que c’est de sa faute, je veux pas penser ça, parce que c’est pas vrai. Mais j’aurai aimé que, parfois, tout roule. Que tout roule aussi bien que lui sur son skate. Lui sur son skate qui est capable de prendre tout le bitume rien qu’en écartant les bras et en fermant les yeux. J’aimerais être comme lui lorsqu’il est sur sa planche en bois et qu’il file à toute allure. J’aimerais appréhender la vie de la même manière, sans frayeur, sans rien, avec seulement nos deux mains qui s’enlacent et qui se promettent silencieusement des toujours. J’aimerais avoir cette assurance qui me permet de mettre un pied devant l’autre rien qu’en fermant les yeux. Mais comment tu veux que je fasse avec Coma qui arrête pas tomber, avec Coma qu’il faut toujours surveiller pour pas qu’il se trompe de route ? On peut pas, on peut pas, on peut pas. Et je sais, je sais qu’il a besoin de moi. Je sais qu’il a besoin de moi pour marcher droit, pour faire toutes ces choses de la vie qui demandent peu d’efforts pour les gens heureux mais qui demandent des univers entiers aux garçons comme Coma. Et même si ces derniers temps je ressemblais plutôt à une étoile morte, j’aimerais qu’il comprenne que j’ai toujours été là et que je serai toujours là. Même le jour où il n’y aura pas d’amour entre nous, je serai toujours ce pilier indestructible contre lequel il pourra s’appuyer. Parce que Silas Pollock, c’est ça, aussi. C’est une deuxième jambe, un deuxième poumon, la moitié de son sang. Et moi aussi, moi aussi j’ai besoin de lui. J’ai besoin de lui parce que c’est ma deuxième jambe, mon deuxième poumon, la moitié de mon sang. Et je sais que je continuerai, que je continuerai à me battre contre la vie, à me battre pour la sienne même si je dois être seulement son ami. C’est ce que j’ai fait pendant dix ans, être son ami. Et ça marchait très bien. Ça roulait comme lui sur sa planche en bois.
Ça, au moins, c’était indestructible.
Il m’arrache la feuille des mains et je ferme les yeux. J’entends le crayon qui gratte sur le papier et je devine déjà l’encre qui tremble, les taches, les ratures, la colère jusqu’au bout des ongles, les mains qui s’agitent, le papier écrasé par le poids de la mine. Je sais que c’est comme ça. Je le connais, c’est Coma. Je rouvre tout doucement les yeux lorsque je n’entends plus que le silence, plus que la respiration un peu trop agitée de Coma.
Et je lis.
Tout ce que je fais c’est oui, oui avec la tête. J’ai le cœur soulagée et lourd à la fois. J’ai envie de sourire et de pleurer. J’aimerais aussi prendre son visage, l’embrasser et lui dire c’est pas grave, je te pardonne. On va tout recommencer, c’est juste que le soleil s’était planqué trop loin pour qu’on puisse le voir. Mais maintenant ça va alllllller, avec plein d’ailes, tu vois de quoi j’parle, hein ? Oui, tu vois de quoi je parle.
J’ai les mains qui tremblent un peu.
Ça fait depuis le début du mois qu’elles sont toutes agitées parce qu’elles ne savent plus quoi faire d’autre. Elles se sentent trop bouleversées. Comme mon cœur. Comme Coma qui, lui aussi sûrement, s’agite. J’ai les yeux plein de larmes et j’en laisse une ou deux tomber parce que ça pèse lourd dans les paupières mais aussi parce que ça me fait beaucoup de bien. J’ai envie d’écrire un grand OUI sur la feuille. Oui ça se voit que tu m’aimes. Oui je vais être assez fort pour survivre à toi, à nous. Oui je vais attendre que tu sois mature. Oui je vais respecter tes sentiments et oui je vais arrêter de te poser des questions parce que j’ai bien compris maintenant que tu ne les aimais pas.
Désolé.
- Je sais pas quoi faire d'accord ? Et je sais plus quoi te dire.
Ses mots trébuchent un peu.
J’aimerais lui expliquer tout ça. J’aimerais lui ouvrir les parois de mon cœur comme je le fais depuis août pour qu’il vienne s’y lover et s’y sente en sécurité. J’aimerais faire toutes ces choses-là, trouver le courage de toucher un peu ses cheveux, remettre de l’ordre dans nos pensées, monter dans la fusée, visiter l’espace. Pour l’instant je sèche mes larmes, je me concentre sur le papier et j’essaie de me convaincre que tout va bien et que rien ne va mal. J’aimerais que quelqu’un souffle sur les nuages, que quelqu’un nettoie la poussière. On voit plus assez bien la lumière, là. Et les étoiles, faut les ramener. On va leur dire qu’on est désolés et qu’on recommencera plus jamais nos bêtises de se quitter pendant quelques semaines, se faire la gueule et arrêter de se parler. Parce que c’est pas possible, ça. C’est. Pas. Possible.
Sa main est posée sur la table et je la couvre de la mienne. Ça fait comme une enveloppe et je crois que c’est tout ce dont je suis capable aujourd’hui. C’est ma façon à moi de dire que je suis là et que j’ai bien compris, que j’ai bien compris tout ce qu’il a écrit sur la feuille. C’est imprimé dans mon cerveau.
- Je vais être méga fort, Coma. Je vais être méga fort et je vais t’aider. Je vais t’aider comme je l’ai toujours fait avant. C’est juste que c’est difficile, c’est difficile à un point t’imagines même pas. Te voir avec un autre garçon, ça m’a déchiré. C’est des choses comme ça qui me donnent envie d’arrêter d’y croire et de me laisser mourir dans ma chambre. Mais ça va aller, Coma. Maintenant on va arrêter de faire n’importe quoi, on va prendre une grande inspiration, comme ça, et on va aller de l’avant. On va effacer tout ça et on va tout réapprendre. On pourra même apprendre à marcher, à courir, à aller au cinéma, à verser quelque chose dans un verre sans tout renverser …
Je parle très vite en chuchotant. Mes doigts pressent les siens d’une seconde à l’autre, ça fait comme les battements d’un cœur. Ça me fait tellement de bien de sentir un bout de lui contre moi. Je voudrais que ça dure toujours, que ça dure encore. Je voudrais tout ça mais sans les larmes, sans les cris, sans les couteaux sur la langue. Je voudrais ça mais avec les regards tendres, les mots qui font fondre, les baisers sur la langue. S’il vous plaît. J’aimerais qu’on retrouve notre parfum d’avant. Celui qui était un peu sucré mais surtout très amoureux. Celui qui nous faisait sourire d’une oreille à l’autre parce qu’on n’était plus capables que de ça.
On était capables d’amour.
Capables de se prendre dans nos bras.
Capables de se dire je t’aime et de se le prouver tous les jours, à chaque seconde.
S’écrire des lettres, manger ensemble, prendre le bus ensemble, marcher ensemble, rêver ensemble, dormir ensemble, pense ensemble, vivre ensemble.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyDim 21 Déc - 19:54

Les étoiles tu sais elles servent plus à rien depuis que tu m'as quitté.
Tu m'as vraiment quitté d'ailleurs ?
Je sais pas, tu l'as pas dit.
Ça fait encore plus mal que l'autre fois et si ça se trouve l'Univers est même pas au courant puisque tu l'as pas dit à haute voix et moi non plus. Si ça se trouve il se demande pourquoi on se parle plus, il pose la question aux étoiles filantes et elles, elles tirent la gueule. Si ça se trouve, on est encore ensemble et tout ça, ça sert à rien. Si ça se trouve, il reste encore de l’espoir, non ? Hein ? Oui ? Silas arrive toujours à inventer des mots qui peuvent emmener jusqu’à Pluton. Dis, tu les as rangés où ? T’as cru qu’on en avait plus besoin c’est ça ? Tu t’es dit oh, on est bien lancés là, on risque pas de se planter. Ben non mon amour ... T’aurais dû te douter que je cachais une connerie dans mes bras, que je tenais entre les mains une toute nouvelle bombe.
Je voudrais tellement, tellement, tellement trouver de quoi le faire sourire.
Mais comment ?
Mais quoi ?
Il est là, son sourire, mais il est à l’envers et du coup on dirait plutôt une grimace. Ça me fait mal ça. De me savoir maître de ses sourires : je peux les créer et les supprimer. Là, je fais que de les enlever. De les soustraire. Bientôt, il va se retrouver avec un nombre négatif de sourires en stock. Putain. En même temps ça me rassure. Putain ça me fait quelque chose. Un petit truc. Une minuscule victoire. De savoir que lui aussi, il va mal. Mais évidemment qu’il va mal. Qu’est-ce que tu crois Coma. Et puis c’est pas lui qui se promène avec un dieu grec dans les couloirs toute la journée et qui dit rien quand on les traite de pédés et de gros dégueulasses qui baisent dans les toilettes. Putain. Jetez-moi à la flotte. Jetez-moi à l’eau. Laissez-moi me noyer.
Sa main se pose sur la mienne et serre, serre mes doigts.
(Mon cœur sursaute et se réveille, salto arrière. Amoureux.)
Je lui rends la pression, je le lâche pas.
Je le regarde pas.
Mais je lui suis super reconnaissant de prendre ma main comme ça.
Malgré tout c’est la catastrophe.
Cata
- Je vais être méga fort, Coma. Je vais être méga fort et je vais t’aider. Je vais t’aider comme je l’ai toujours fait avant. C’est juste que c’est difficile, c’est difficile à un point t’imagines même pas. Te voir avec un autre garçon, ça m’a déchiré. C’est des choses comme ça qui me donnent envie d’arrêter d’y croire et de me laisser mourir dans ma chambre. Mais ça va aller, Coma. Maintenant on va arrêter de faire n’importe quoi, on va prendre une grande inspiration, comme ça, et on va aller de l’avant. On va effacer tout ça et on va tout réapprendre. On pourra même apprendre à marcher, à courir, à aller au cinéma, à verser quelque chose dans un verre sans tout renverser …
strophe.
Je le regarde avec la tête du mec qui trouve ça incroyable, qui en croit pas trop trop ses yeux. Comment il fait ? Mais comment il fait ? Pour toujours retrouver la surface. Pour toujours garder un œil sur les étoiles, pour jamais les perdre de vue. Jamais abandonner. Silas a des bleus par millions sur les bras et s’en fout complètement, continue de les agiter pour me forcer à me bouger ou pour me serrer contre lui. Mais comment ? Comment ? Il les trouve où, tous ses papillons, tous ses ciels bleus ? Et comment il fait pour y croire encore et encore ? Tout le temps, sans ciller ? Il est devin ou quoi ? Non, parce que s’il avait vu le futur les fois d’avant, il m’aurait dit de faire moins de promesses. Comment il fait pour survivre à tous mes attentats à son cœur ? Pour se relever à chaque fois et me demander de faire pareil ? Il a toujours des étoiles dans les yeux. Moi, j’ai jamais mon mot à dire quand elles partent en vacances.
Je le trouve magnifique.
Moi, mes bras, j’ai du mal à m’en servir. J’ai du mal à les bouger et à faire des choses avec. Quand Silas est là je suis capable de le prendre dans mes bras mais dès qu’il baisse les yeux je recommence à faire des bêtises avec. Faudrait peut-être que je change. L'autre jour j'ai fait du skate (sans tomber, ça faisait longtemps), et j'ai pas réussi à lever les bras, c'était trop lourd. Je voulais faire comme je faisais avec lui à côté de moi à pieds, tendre les bras en bras des deux côtés de moi, et puis fermer les yeux. Faire comme si j’étais un prince ou un oiseau ou je sais pas quoi, quelque chose qu’il aime quoi. Mais mes pauvres bras faisaient trois tonnes chacun putain. C’était pas possible. Je suis descendu de mon skate et j’ai marché à côté un peu dépité. J’ai recommencé à aller au skate-park aussi, celui où je l’ai embrassé la première fois (j’ai l’impression que c’était y a cent cinquante ans à peu près), mais pas pour en faire. Je m’assois sur un banc ou par terre et je les regarde faire, les garçons. Ils sont plus jeunes que moi. Je les regarde et ça me rappelle quand j’étais comme eux.
Un peu con.
J’étais pas plus heureux, tu me diras.
J'ai pas réinitialisé, c'est pas vrai.
Sur la plage, quand on s’est retrouvés, je m’étais promis de tout réinitialiser, oublier, plus penser à notre parcours plein de cailloux pour regarder droit devant. C’est pas vrai, je l’ai pas fait, évidemment. Je me rappelle de tout. Surtout du skate-park. Du tout tout début. De ses yeux qui étaient terrifiés de m’avouer qu’il aimait les garçons et de mon cœur qui se manifestait pour la toute première fois de ma vie. Oh, il aime les garçons ? Mais ça m’intéresse, ça. (Tu m’étonnes.) Je me rappelle des deux ou trois baisers qu’on avait échangé derrière l’arbre, moi appuyé contre le tronc et lui contre mon ventre. Je m’en souviens ouais.
Y a qu’un truc que j’ai oublié.
Comment je faisais pour qu'il m'aime sans lui faire de mal ?
Et puis tout ce qui a suivi je m’en souviens aussi.
Pour la première fois, ne plus faire semblant
/ non.
Ne même plus pouvoir faire autrement que
Se retenir de
sourire.
En attendant il serre toujours ma main dans la sienne, moi aussi, et j’ai toujours rien dit alors je tourne un peu la tête vers lui et je vois des petits souvenirs de larmes sur ses joues, je sens mon cœur qui se vénère là sous la peau, qui a envie de sortir la hache et de couper en petits morceaux celui qui a fait ça, les larmes, là. Mais c’est moi. C’est moi qui le fais pleurer et moi aussi, je me fais pleurer. C’est lamentable. Ça devrait peut-être pas exister les garçons comme moi. Mais qu’est-ce qu’il se ferait chier, hein, Silas ... Qui d’autre pourrait lui inventer des espèces de montagnes russes faites d’étoiles filantes comme moi ... Donc calme-toi le cœur. Ça sert à rien de t’exciter là-dedans. Va plutôt t’excuser même si tu l’as déjà fait trente mille fois. J’arrête de fixer ses traces de larmes et je le regarde lui tout entier.
Là, oui, je le regarde.
Ses cheveux courts. (Silas se coupe les cheveux à chaque fois que je lui fais mal. Putain je veux pas ... Ben, qu'il devienne chauve, quoi. Ses cheveux c'est la plus belle chose qui existe au monde. Là, Dieu, il s'est appliqué. Il a pris sa journée spécialement pour ça et il y a mis tout son cœur, dans les cheveux de Silas.) Ses yeux bleus. (Ses yeux aussi c’est tout un poème. C’est la galaxie la plus proche de mon cœur. Les étoiles qu’il y a dans ses deux prunelles inventent des nouvelles constellations, je vous jure. Elles sont pas dans les livres d’astrologie mais elles sont dans mon encyclopédie à moi.) Son cou. (Il est plein de mes anciens baisers et il garde son parfum bien au chaud aussi. Son parfum de petit garçon que je me remémore tous les jours, tous les matins, de mémoire, pour pas trop l’oublier.)
Je crois que je pleure un peu aussi.
J’ai approché sa main de mon visage, je la serre des deux miennes et je pose mon front dessus.
Je veux rester comme ça jusqu’à ce que ça aille mieux.
Et je chuchote contre ses doigts :
- J’sais pas comment tu fais pour ... 'Fin t’es vraiment parfait t’es ... (Je souris et je pleure) Je sais pas c’que j’ai fait pour te mériter. Et c’que toi t’as fait pour mériter un gars comme ça. J’suis une sacrée punition. 'Tain ... J't'aime.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyLun 22 Déc - 19:57

J’ai pensé qu’il était temps. Qu’il était temps de redresser le navire et de remettre les voiles, quelque chose comme ça. Réparer la machine, la remettre en marche pour au moins quelques jours, quelques semaines. J’ai pensé que c’était pas une bonne idée de nous laisser couler comme on l’a déjà fait, ça ne réussit à personne, ces choses-là. Je sais surtout que Coma, il n’en est pas capable. Pas tout seul. Lui, pour aller de l’avant, il a besoin de quelqu’un qui le pousse, quelqu’un qui lui tire les bras et lui hurle d’avancer, lui promet le pactole à la fin. Ce quelqu’un, c’est moi. Le pactole, c’est le retour de l’amour et des étoiles. Alors, ça vaut pas le coup de se mettre debout, ça ? Hein, ça vaut pas le coup ? Puis d’ici là, pendant le chemin j’aurai eu le temps de te pardonner. Largement. J’aurai oublié toutes les misères que tu as pu faire à mon cœur et je vais pouvoir recommencer à te regarder comme avant, avec les constellations, les météorites amoureuses, ces choses-là. Je vais pouvoir recommencer à t’aimer correctement et toi aussi tu vas m’aimer correctement. Tu vas m’aimer sans dérapage parce que moi je vais plus avoir la force de me, de nous relever. J’ai besoin que tu y mettes un peu du tien.
Faut y croire.
Je vais d’abord fermer les yeux, oublier les mots, les images. Je vais faire comme si tu n’avais jamais touché ces garçons, comme si tes mains étaient baignées d’innocence et de maladresses. Je vais faire comme si de ta bouche ne sortaient que des je t’aime, des je t’aime et encore des j t’aime (et quelques pour toujours aussi). Je vais faire comme s’il n’y avait jamais eu que moi dans ta vie. Je vais faire toutes ces choses-là. Bon, d’accord, peut-être qu’au début mes sourires auront l’air un peu forcés et mes baisers aussi. Mais là tu te diras que c’est pour la bonne cause. Qu’il faut donner l’illusion du vrai, encore et encore, jusqu’à ce que ça devienne réel. Et puis tu verras, le ciel sera de moins en moins noir, tes yeux aussi. Je crois qu’il faut bien être deux pour rallumer la lumière. Il ne faut pas qu’il y en ait un qui l’allume et l’autre l’éteigne. Nous, c’est comme ça qu’on fonctionne depuis le début. Et est-ce que ça nous a réussi ? Absolument pas. Regarde-nous, les yeux plein de larmes, les mains tremblantes, le cœur enterré. Un vrai fiasco. C’est pas de ça qu’on a voulu. C’est qui qui parlait de se faire l’amour sur chacune des planètes de l’univers ?
Nous.
Nous plein de rêves, nous heureux, nous amoureux. Nous un peu drogués, un peu partis. Mais c’était quand on était encore ensemble. Un ensemble, c’est un groupe d’éléments constituant un tout. C’est écrit dans le dictionnaire. C’est pour que tu te rappelles de ce que nous étions. Comme ça, ça te donnera un modèle, un exemple. Je suis sûr qu’avec tous nos souvenirs rassemblés en une seule boule, on pourra réussir à recréer ça.
J’ai ma main dans la sienne. Puis dans les siennes. Ma paume se retrouve contre son front et il est un peu fiévreux. Ça me brise le cœur, ça me tue de voir Coma comme ça. Ses yeux rouges, rouges de fumée et de larmes, j’ai envie de les rendre brillants, mais avec les belles étincelles à l’intérieur. J’ai envie d’effacer tout ça, de le tenir contre moi, de créer des sourire sur son visage et tout. Je sais même plus quand c’était la dernière fois qu’on a ri ensemble. Ça remonte à un quart de siècle, je crois. Ça me rend triste. Et sa tristesse à lui fait s’évaporer la colère (tant mieux). J’ai pas les épaules pour être en colère et donner des coups. J’ai jamais les épaules pour faire face à Coma. C’est lui, le plus fort, pour ça. C’est lui qui sait mettre le venin entre ses syllabes pour faire le plus de mal. Il a réussi plus d’une fois.
Eh, mais, je suis bien attaqué. Pourtant regarde, je suis encore debout.
(ouf)
- J’sais pas comment tu fais pour ... 'Fin t’es vraiment parfait t’es ... (Je souris et je pleure) Je sais pas c’que j’ai fait pour te mériter. Et c’que toi t’as fait pour mériter un gars comme ça. J’suis une sacrée punition. 'Tain ... J't'aime.
Il sait aussi mettre du coton entre ses syllabes.
Je discerne un sourire et ça déclenche le mien. J’ai une boule dans la gorge. Avec ma main libre je viens chasser les larmes sous ses paupières. J’ai le cœur qui tressaute dans ma poitrine. Je crois qu’il est un peu heureux, qu’il se sent pousser des ailes ou quelque chose comme ça. Je crois que c’est une déclaration d’amour, les paroles de Coma, quelque chose comme ça. Ça me fait beaucoup de bien. Je crois aussi que c’est les mots que j’avais besoin d’entendre, après tout ce qui est survenu. J’ai l’impression et je sais que tout n’est pas perdu, que tout se remet à briller un tout petit peu plus fort là-haut. De quoi nous requinquer encore quelques jours.
- Ça va, t’es une belle punition …
Je laisse échapper un rire un peu brisé.
Mes cordes vocales ont un peu oublié comment il fallait faire. Mais je crois que c’est comme le vélo, on se rappelle bien vite et après ça roule tout seul. Je crois que je vais vite reprendre mes anciennes habitudes, ça va revenir tout doucement et puis je me souviendrai clairement de ce que c’est de l’embrasser, de lui prendre la main, de le tenir contre moi. J’ai bon espoir. Il faut dire qu’avec Coma, de l’espoir t’as intérêt à en avoir par dizaine de kilos, au moins. Il faut bien ça pour tenir toute une vie, pour lui forcer à redresser la tête pour pas qu’il oublie que c’est très important de regarder le ciel.
Mon pouce sous sa paupière termine en une caresse sur sa joue.
Ça faisait des semaines que je voulais de ça, ça faisait des semaines que je voulais des gestes tendres. Et rien que ma main tendue sur sa joue, mes doigts sur sa peau, c’est une bouffée d’oxygène. Ça me fait respirer un grand coup. Un peu de chaleur pour faire fondre toute la glace dans laquelle j’étais emprisonné.
Ma main repose sur ma cuisse et l’autre qui était contre son front aussi.
- J’suis désolé.
Je dis. Désolé de plein de choses. Désolé de tout ce que j’ai pu faire de travers, désolé d’être qu’un Silas Pollock pas toujours en forme, désolé de pas avoir sur nous relever quand j’aurai dû le faire, désolé pour les mots tranchants, désolé pour les larmes, désolé pour la tristesse.
- Je suis prêt, moi.
Je suis prêt à revenir, prêt à te prendre dans mes bras. Je veux bien réapprendre à t’embrasser, comme avant. Sur la bouche, sur les coins de la bouche, tout autour de la bouche, sur la mâchoire, sur le nez, sur les sourcils. Apprendre ton visage par cœur avec tes lèvres. Eh, c’est que je commence à l’oublier, là …
J’aimerais une cigarette, une grosse couverture, les étoiles, une fenêtre et l’épaule de Coma pour y poser ma tête.
Tu crois que c’est possible ?
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyMer 24 Déc - 16:14

« J't'aime. »
Putain non Coma.
Je - t'aime
Je comme moi Coma
T' comme toi Silas
Aime du verbe aimer pour dire l'amour
Tu peux arrêter de manger les lettres deux secondes ? Tu peux parler correctement par-dessus tes larmes un peu ? Tu peux faire un effort de temps en temps ? Arrêter d’être un gros bébé, un putain de pré-ado qui avale les syllabes même pour dire je t’aime. Reprendre ton souffle, le regarder calmement et lui dire pour de vrai, plutôt que de lâcher ça comme ça, merdiquement, affalé contre lui, les larmes qui te bouchent la vue, qui te secouent la voix. Comme si c’était pas important. Comme si t’avais pas réfléchi avant. Putain mais Coma. Si tu te voyais. Putain.
Arrêtez ...
Arrêtez ...
Ça va, j’me punis tous les jours, j’y arrive très bien tout seul ...
Stop, putain, donnez-moi une pause là ...
On dirait que Silas recommence à sourire, je sais pas trop comment le prendre, j’essaie de sourire aussi mais ça marche pas, bah non, pas à chaque fois, faut pas trop en demander pour l’instant, pour l’instant je les regarde lui et son sourire, je les fixe comme un attardé parce que j’arrive pas à y croire, qu’il puisse encore, que les muscles de son visage soient pas encore assez épuisés pour tirer sur les coins de sa bouche. (Sa très très belle bouche qui vaut tous les poèmes du monde, absolument tous, même le nôtre qui est accroché au-dessus de mon lit.) J’essaie de regarder chaque détail de son visage mais mes yeux vont pas assez vite, ils sont un peu morts en ce moment, ça ira mieux la semaine prochaine. Surtout que la semaine prochaine, on se sera peut-être remis ensemble. Du coup je reste bloqué sur ses yeux (c’est mes préférés dans son visage), ses yeux qui clignotent. Ses battements de cils capturent cent ans à l'univers, c’est dingue. Soudain j’ai 117 ans. Mais je me sens même pas vieux.
On est jamais vieux quand on est amoureux.
- Ça va, t’es une belle punition …
Ses doigts en forme de caresses ont effacé toutes mes larmes et il rigole un peu.
Il y arrive pas vraiment mais je lui en veux pas, moi c’est à peine si je peux sourire correctement.
Une belle punition je sais pas.
C’est vrai quoi, il devrait même pas avoir de punition du tout Silas. Il est tellement parfait. Trop parfait pour ça. Il a rien fait lui, rien à personne, il emmerde pas le monde, jamais, il traverse la ville et la vie sans déranger et quand il tombe ça fait même pas de bruit comme ça, le reste de la terre peut continuer à vivre tranquillement. Silas, il est gentil avec tout le monde. Silas, il a pas de bonnes notes mais il emmerde pas les profs alors les profs l’emmerdent pas non plus. Silas, il marcherait droit si j’étais pas là. Mais Silas, il s’en fout en fait, il s’en fout des punitions, il sait ce qu’il veut, il est pas comme moi, et ce qu’il veut, c’est nous deux. C’est pour ça qu’il caresse mes joues comme ça, en sachant très bien que ça va nous donner envie de nous embrasser.
Il les prend où, sérieusement, à chaque fois, les morceaux pour se refabriquer ?
Il en invente des nouveaux ou il va retrouver les anciens ?
- J’suis désolé.
Mes yeux disent « arrête, non ».
- Je suis prêt, moi.
Il a repris ses mains et moi je regarde que lui.
Je sais pas si je suis prêt, on verra bien.
Eh
Est-ce que ça se voit que je passe mes journées à pleurer ?
Ce matin avant de partir je me suis regardé dans le miroir de l’entrée, le nouveau parce que j’ai cassé l’autre. J’ai commencé par mes oreilles parce que je les aime pas beaucoup. Et au fur et à mesure que je continuais (j’étais arrivé à la cage thoracique), je sentais comme quelque chose qui ... ah, me ... bloquait la gorge, quoi ... Ça remontait jusque dans mon front et ça s’est arrêté que quand j’ai commencé à pleurer. Je me suis laissé faire et j’ai regardé le bordel de mes larmes sur mes joues. Et puis j’ai attendu qu’elles sèchent, sans bouger. C’était étrange. C’est comme quand tu regardes tous les jours quelqu’un grandir (Silas). T’as l’impression qu’il se passe pas grand-chose, jusqu’à la métamorphose. Silas est devenu un grand ange et mes larmes un souvenir. Je suis parti à l’école.
Mon oreiller est tout plein de larmes tu sais.
On dirait que c’est lui qui pleure.
Le pauvre, ça fait des semaines qu’il essaye de sécher.
Mais ça va aller.
Ça va aller.
Avec des ailes et même sans, juste avec nos bras.
Je lui souris.
(Enfin je crois, enfin j’ai fait un truc avec ma bouche et j’espère que ça ressemble bien à un sourire parce que c’était ça que je voulais.)
- Tu veux pas sortir ? J’étouffe là. Faut que j’fume.
Je sais même pas si l’heure est déjà finie, je crois pas mais de toute façon le pion viendra pas vérifier si on est toujours là, et puis s’il a écouté un peu de quoi les gens parlaient dans les couloirs, il aura compris qu’on a besoin d’être tranquille, il viendra pas nous faire chier, il est sympa celui-là. J’ai vraiment besoin de sortir, à force de fumer trop je m’y suis habitué, à chaque fois que quelque chose se passe, du bonheur, du malheur, j’ai besoin d’une clope pour m’en remettre, au moins ça. Ce sera peut-être même l’heure du coucher du soleil, on pourra le regarder en ayant froid tous les deux. Est-ce que dans les couloirs vides, je pourrai prendre sa main, j’aurais le droit ? Je pourrais passer ma main sous son pull et le serrer par la taille pour l’avoir le plus près de moi possible, le serrer tellement fort que la force de ma poigne ça froissera mon t-shirt. C’est une bonne idée mais je sais pas. Faut peut-être pas aller trop vite. Ça glisse, dehors. Partout, même. Enfin, c’est une métaphore, mais quand même, quoi.
Ça va déjà pas trop mal.
C’est un bon petit début.
On dirait que j’arrive mieux à respirer.
Je sens mon moral qui remonte de plusieurs étages. Qui reprend des forces dans les yeux de Silas. Qui repart pour un tour. Qui est pas encore au top du top, qui touche pas vraiment les étoiles mais qui lève les bras aussi haut que possible pour essayer de les attraper. D’effleurer le ciel. C’est déjà pas mal. C’est déjà ça. Ça va aussi vite qu'un ascenseur et avec la même impression que mon ventre fait du hula hoop mais ça c'est surtout parce que je regarde Silas. Moi qui pensais que j’allais pas m’en remettre cette fois. Que j’allais passer toute ma vie avec des garçons comme Isaias, des garçons qui ont perdu au grand jeu de la vie eux aussi, qui m’auraient éloigné un peu plus à chaque fois de Silas. Et donc de moi. Je trouvais plus la lumière, les paillettes, les comètes. Mais j’avais oublié. Que lui, Silas, il allait s’en remettre et m’obliger à faire pareil. Me dire de me remettre debout et me regarder faire. Me prendre par la main, au cas où j’y arrive pas aussi.
Allez.
Allez.
On se redresse.
Lève la tête.
On recommence.
Réapprendre à
regarder les étoiles
et surtout : les GARDER, cette fois.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyJeu 25 Déc - 15:10

On s’essaie tous les deux à sourire. Ça pourrait être presque comique tellement c’est raté. Nos pauvres lèvres ne sont même plus capables de dessiner de jolies courbes, elles n’ont pas non plus la force suffisante pour pouvoir découvrir nos dents. Je suppose que ça aussi, ça prend tu temps. Qu’il faut s’entraîner, mais avec sincérité, cette fois. Je pense aussi qu’il faut penser à des belles choses, des choses qui nous réchauffent le cœur, qui le transforment en un gros radiateur. Et là on peut commencer la rééducation de la bouche. D’abord, se placer devant un miroir, respirer doucement, prendre son temps. Commencer par des sourires polis, des sourires discrets, des sourires timides. Peu à peu, tirer sur ses joues pour allonger les courbes de la bouche (cette étape peut prendre quelques jours selon la raideur des muscles). Recommencer un peu tous les jours. Après ça, commencer à montrer les dents et plisser un peu les yeux en même temps jusqu’à créer une vraie harmonie. Mais surtout, ne jamais copier ceux des autres. Et quand tout ça est acquis … On a même le droit de rire un peu. C’est la cerise sur le gâteau, si on veut. Je devrais peut-être écrire ces règles là sur un papier pour qu’on puisse s’entraîner tous les deux, avec Coma (faut un peu forcer le destin si on veut s’en sortir).
- Tu veux pas sortir ? J’étouffe là. Faut que j’fume.
Je hoche la tête.
Je pense : oui, d’accord, tout ce que tu veux, Coma. Tout ce que tu veux du moment que ça implique toi et moi, tous les deux, ensemble. J’ai vraiment besoin de retrouver cette proximité qui nous liait. J’ai vraiment besoin de retrouver toutes ces choses-là, comme un besoin important, vital. Parce que ça l’est, ça l’est réellement. C’est une bouffée d’air frais parfum cigarette mais c’est très bien quand même et je sais que c’est ce qui me fait vivre correctement depuis quelques années déjà. Je sais que tout n’est pas gagné, je sais qu’on est seulement en train de remonter l’escalier, marche après marche, à une vitesse de fusée cassée. Mais voilà, j’ai déjà hâte à ce qu’on redevienne ne ce que nous étions (je sais que ça va repartir, faut nous laisser le temps de huiler la machine). J’espère que d’ici là tous les trucs brillants dans le ciel ne seront pas éteints. Ça demande de la patience.
Je tire ma chaise et je prends mon sac. Je me lève et commence à marcher jusqu’à arriver dehors. Le trajet se passe dans le silence et on ne se touche pas. Je me rappelle des fois où on se lâchait jamais, les doigts agrippés fermement à ceux de l’autre comme s’ils craignaient de se détacher. On aurait pu me greffer la main à celle de Coma que j’aurais pas dit non, j’aurai signé tout de suite pour passer toute la vie avec sa main dans la mienne. Il fait nuit, déjà. L’hiver, le soleil passe son temps à s’enfuir. C’est un lâche. Les jours où on a le plus besoin de lui, il prend ses cliques et ses claques et se pointe de l’autre côté de la terre. Il fait un tout petit peu froid aussi. Les quelques degrés en moins qui font piquer le bout des doigts. En tremblant je sors mon paquet de cigarettes et j’en tends une à Coma.
C’est l’habitude.
Je me rappelle alors toutes les cigarettes que j’ai pu lui donner, à Coma. On n’a jamais été radins là-dessus. Jamais à dire « eh, toi, tu me dois une cigarette ». Parce que ses cigarettes, c’étaient mes cigarettes, et inversement. Ça a été comme ça avec tout, pour tout. Les vêtements, la bouffe, les crayons, tout. C’est jamais à lui, à moi. C’est toujours à nous. Je sors mon feu et j’allume la sienne et puis la mienne, à la suite. Une main dans mon blouson en cuir (pour avoir chaud) et l’autre qui porte la clope à ma bouche. C’est vrai que ça fait un putain de bien, ça réchauffe un peu, aussi.
Ça faisait combien de temps que ça nous était pas arrivé, ça ? Fumer une cigarette tous les deux, dans la nuit. Je lève un peu les yeux. Je cherche nos astres préférés. Et j’en vois une. Rien qu’une. Une toute petite, un peu lointaine, qui brille pas très fort mais suffisamment pour que je puisse l’apercevoir. J’ai un sourire qui naît. Un discret mais un sincère (on dirait que je suis en train de suivre le mode d’emploi pour faire revenir les sourires). Alors, vous êtes de retour, les plus belles ? Il était temps, il commençait à faire bien sombre, ici bas.
J’ai envie de dire à Coma eh, psst, lève les yeux, regarde qui est de retour. Oui, elles m’ont manquées, à moi aussi. Mais c’est un peu de ma faute, je marchais moins avec le nez en l’air. J’ai arrêté de me préoccuper d’elle, c’est pas bien, je sais. Elles ont dû croire que je les mettais à l’écart, que je les aimais plus. Mais c’est pas vrai. C’est pas vrai parce que c’est toi qui les faisais briller, t’as ce don un peu spécial et un peu dingue d’illuminer tout ce que tu touches. Puis t’es parti et j’ai su que ça servait plus trop à rien de m’emmerder à lever les yeux parce que je savais déjà que je n’y verrais qu’une toile très sombre. Maintenant c’est fini les bêtises. Terminé. On va reprendre les bonnes vieilles habitudes, t’es d’accord, Coma, t’es d’accord ?
Gorge nouée.
Yeux un peu humides.
Non, non, non. Je vais pas pleurer. J’ai pas envie. J’ai versé trop de larmes, là, c’est bon, s t o p. Je sens juste qu’il y a quelque chose d’un peu cassé entre Coma et moi. Je sais pas comment faire pour recoller les morceaux, j’ai plus d’imagination, plus rien. J’ai que mes yeux pour les regarder et mes mains pleines d’odeur de tabac et très vides à la fois.
- C’est vrai qu’on respire mieux, ici.
C’est vrai qu’on respire mieux ici, avec toi. Avec toi à côté de moi. Toi pas très bavard mais toi qui est quand même là. Je m’approche de Coma et ma main quitte la chaleur de mon blouson. Elle vient chercher sous la veste en jean de Coma et le serre un peu contre moi. Je sais plus quoi lui dire pour le faire remonter à la surface. Mes mots se sont perdus en chemin. Du coup je vais me contenter de parler avec les gestes et avec les yeux. Je vais faire que ça. Je vais le regarder et le toucher, je vais le regarder comme il aime que je le regarde et le toucher comme il aime que je le touche.
Et il va revenir, comme ça. Il va se réveiller, sortir de sa léthargie. Il va ouvrir les yeux et les bras.
Il va revenir.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptySam 27 Déc - 20:28

Qu’est-ce je pourrais bien en faire, de mes étoiles, pour qu’elles s’échappent plus jamais cette fois ? Où est-ce que je pourrai les mettre quand j’en aurai ramassées assez pour me remplir le cœur, pour me remettre sur mes deux pieds, pour retrouver un véritable équilibre, du genre qui te laisse jamais tomber ? C’est lourd, les étoiles. Ça prend de la place. Tellement encombrant et pesant que les dernières fois j’ai préféré pas m’alourdir avec ça et j’ai pas pris la peine de les garder avec moi. Pas cette fois. Je pourrais essayer d’en mettre dans mes poches, dans mes yeux pour bloquer le passage au malheur, quelques unes dans mes mains, et puis en confier une partie à Silas aussi. Je lui fais confiance. C’est le genre de garçon à prendre très au sérieux le stockage d’étoiles et qui les perdra jamais, les oubliera pas dans le bus, s’en occupera très très bien. Je regarde le ciel par la fenêtre. C’est loin. C’est haut. Quelques années lumières.
J’irai les chercher demain.
J’espère qu’elles pourront m’attendre encore quelques heures.
On est plus à ça près.
On est plus à ça près.
Silas ramasse ses affaires, moi pareil, mon iPod que j’éteins, ma trousse et le bout de papier où on a écrit tous les deux, je sais pas trop quoi en faire alors je le range soigneusement entre deux cahiers. C’est pas une conversation fantastique mais tout ce qui vient de nous, même le pas beau, je peux pas le jeter à la poubelle, tout ce qui vient de nous c’est de l’or. Je peux pas non plus oublier toutes nos disputes et toutes nos larmes, c’est moche mais c’est comme ça, c’est nous, et si c’était pas arrivé, on serait pas les mêmes. On serait moins bien. Peut-être qu’on se tiendrait la main dans le couloir, alors que là on le fait pas, mais bon. Une autre fois. On a encore des milliers d’années pour marcher main dans la main. En attendant c’est comme ça et même si c’est bizarre c’est – comme – ça. Pour l’instant c’est ça, nous. Avancer dans le couloir sans parler et sans faire de bruit, sans se toucher et sans se regarder. Pourtant dans mes rêves ma main se glisse dans la poche arrière de son jean, mais bon.
Il fait froid.
Mais un peu moins depuis qu’il est là.
On voit les étoiles aussi.
C’est depuis qu’il est revenu.
Je me sens quand même un peu vide moi, comme si j'avais laissé mon cœur trois mètres derrière moi.
Heureusement qu’il sort deux clopes pour nous, ça va déjà un peu mieux quand il me la donne, beaucoup mieux quand il l’allume et quand je la porte à mes lèvres pour la première fois, c’est carrément la vie. Mais dans mon état, ça veut pas dire grand-chose, nan, ça veut juste dire que mon cœur se remet à battre à peu près correctement, qu’il s’est éloigné du bord de la falaise de laquelle il avait envie de sauter. Faut qu’il recommence à faire attention à lui, surtout que Silas va l’aider, comme à chaque fois. Même si pour l’instant, il me parle pas. Il fume et il regarde les étoiles, alors je les regarde aussi. Y en a une toute petite, une toute mignonne entre deux crâneuses et celle-là, je suis sûr que c’est la nôtre. J’ai l’impression qu’elle nous fait coucou, là. Elle a l’air un peu désolée pour nous mais si elle est là, c’est qu’elle va se défoncer pour nous, non ? Qu’elle ressort les paillettes ?
J’y crois pas trop, Étoile, pour l’instant.
Montre-moi comment on fait, déjà.
(Pour rendre le monde plus beau, à deux, sans réfléchir.)
Je suis en train de lui poser un milliard de questions, à cette pauvre étoile qui a rien demandé et qui, maintenant, se coltine deux espèces de canards boiteux, quand y a mon étoile rien qu’à moi, mon étoile sur terre, mon étoile Silas qui me prend dans ses bras. Sa main est passée sous ma veste en jean, contre ma taille et ça me fait des frissons qui ont rien à voir avec l’hiver. Des frissons-Silas c’est tout. Des frissons qui me rappellent que je suis amoureux de lui jusqu’à l’espace et que ça devrait pas être plus compliqué que ça. Je suis amoureux. De lui. Il est amoureux. De moi. Et c’est compliqué quand même. Je mets mon nez dans son cou glacé pour pas pleurer.
Ça fait chier de pleurer, y en a marre.
Ça fait mal aux yeux et ça change rien.
C’est lassant à la longue.
Je préfère essayer de changer le monde.
Et je suis sûr que Silas, il est d’accord avec moi.
Ça suffit de chialer au bout d’un moment.
Je sais qu’il pleure lui aussi, qu’il fait ça toute la journée parfois et que c’est pour ça qu’il vient pas en cours.
Silas je l’entends à chaque fois qu’il pleure de toute façon. Même si je suis à l’autre bout du monde, je l’entends. Je l’entends dans mon cœur qui tape plus fort que d’habitude et c’est comme ça que je peux savoir que le sien va pas bien. À ce bruit-là, je sors mon costume de super-meilleur-am(i)oureux (je l’ai toujours dans mon sac au cas où) et je vais le chercher. Que je sois au Pérou de l’autre côté de la terre, je vais le retrouver pour pas qu’il pleurer tout seul et, si ça marche pas, si ça suffit pas, sécher ses larmes au passage. Ça fait longtemps que j’ai pas sorti ma cape de mon sac, il va être froissé. Pourtant, Silas pleure. C’est encore mon cœur qui me l’a dit. Silas pleure le soir dans son lit et parfois ça l’empêche même de dormir. Silas pleure quand il essaie de faire ses devoirs. Silas pleure quand il fait pas beau et aussi quand il y a du soleil. Silas pleure quand il arrive pas à faire ses lacets et quand il se regarde dans tous les miroirs de la maison. Silas pleure en regardant la télé. Silas pleure dans les toilettes. Silas pleure quand on ne le regarde pas et parfois quand on le regarde quand même, parce qu’il peut pas faire autrement. Silas pleure le jeudi, le vendredi, le samedi, le dimanche, le lundi, le mardi et le mercredi. Je le sais d’autant plus que c’est pareil pour moi. Et je fais rien.
Ni pour mes larmes.
Ni pour les siennes.
D
_éri
______v

__________e.
Quand je quitte ses bras je sais plus quel jour on est. De toute façon tous les jours c’est pareil. Tous les jours c’est une épreuve. Tous les jours y a quelque chose, un souvenir, une trace, un rappel et ça fait mal. Donc franchement, dimanche ou jeudi, moi je m’en fous, ça change rien. Avec Silas, nos histoires, tout ça, on peut remplir une semaine vous savez ? C’est ça qu’est dur. T’as pas un jour de répit. Lundi c’est le jour où on a fait l’amour pour la première fois. Mardi c’était le lendemain, le premier jour où on était en couple même si c’était officiel que pour nous. Le mercredi c’est la première fois qu’on s’est embrassés, le jour où il m’a dit qu’il aimait les garçons. Le jeudi c’est la première fois que je l’ai quitté. Le vendredi c’est le soir où je l’ai demandé en mariage. Le samedi c’est le soir où il m’a frappé pour me faire comprendre que je l’aimais. Et le dimanche, c’est nos retrouvailles. Avec tout ça j’ai du mal à respirer. Et y a que lui pour me délier les poumons. Avec ses yeux comme une nébuleuse étoilée. Avec sa bouche comme un univers tout entier. Avec ses bras comme des ailes d’oiseau. Avec son ventre comme plus beau paysage du monde. Son corps tout entier pour résumé ce que c’est, que la beauté.
Je sais pas quoi dire.
Je continue de fumer.
J’aimerais bien savoir ce qu’il a fait sans moi pendant un mois.
Moi c'est pas compliqué j'ai rien fait j'ai tourné en rond pendant des heures et quand j'en ai eu marre j'ai fait des triangles et quand j'en ai eu marre j'ai fait des huit et quand j'ai eu le tournis j'ai arrêté de marcher mais je me suis mis à gueuler, à gueuler dans le jardin, à gueuler dans la rue, à gueuler dans ma chambre aussi, de quoi faire flipper mes parents qui disaient rien, et puis à gueuler dans ma tête quand je pouvais pas faire autrement, à l’école par exemple.
J’ai fini ma clope.
Il me reste quoi maintenant ?
Mon ange dégringolé. C’est déjà immense.
Je le tire par la manche et je nous assois sur le bitume contre le mur. Je prends son bras et je le passe autour de moi, sa main retombe sur mon torse et je la serre contre moi. J’ai posé ma tête sur son épaule et de là, on voit des étoiles, mais pas celles du ciel, juste les siennes qui sont vachement plus belles. Je respire son parfum très fort très fort, je réapprends, peut-être que c’est comme ça qu’on recommence. Re-re-recommence.
- On peut rester un petit peu comme ça ?
Peut-être qu’après, je retrouverai le bon sens de moi-même.
Celui qui aime Silas Pollock comme il faut (je vous jure, parfois, j’y arrive).
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyDim 28 Déc - 20:10

On dirait que l’enclume qui comprimait ma poitrine se retire tout doucement. Je sens toujours son ombre menaçante au dessus de moi, elle plane tout près de ma peau et je sais qu’elle peut retomber à chaque instant, je sais qu’elle peut venir reprendre sa place, juste au dessus de mon cœur. La garce est restée là plusieurs semaines. Elle m’appuyait sur le palpitant et les poumons. Le sang circulait pas très bien à l’intérieur de moi, je pompais plus assez d’oxygène et je commençais sérieusement à me noyer dans ma bulle. Mais là, là je sens qu’il y a du mieux. On dirait bien que je suis en train de guérir, que je reviens tout doucement vers la lumière, vers le soleil. C’est normal, c’est la suite logique, je crois. C’est de sentir Coma tout près de moi, ça me fait un bien immense, quelque chose de tellement grand que ça me brûle un peu. J’ai rêvé ça. Je l’ai pensé très fort, je l’ai pensé jusqu’à en avoir mal à la tête avant de m’endormir. Je me répétais sans cesse des choses qui suppliaient, qui me tourmentaient. C’étaient des pulsions, des morceaux de rêves. Ils voulaient toucher Coma, le regarder, l’effleurer, lui parler, l’entendre. Ils le voulaient dans mes bras et à côté de moi.
Je me sens très beau et très grand lorsque je le tiens comme ça, avec mon bras qui l’enserre tout doucement. Mon bras tout de même ferme qui me donne l’impression d’être adulte, d’avoir trente ans. Mon bras qui me donne l’impression que je suis marié à Coma, qu’on est ensemble depuis dix ans, qu’on est un peu fatigués par la vie et tout ça mais que, regardez bien, on n’est toujours pas à genoux.
La fumée que génèrent nos cigarettes me fait un peu piquer les yeux.
(c’est l’émotion)
L’émotion de le savoir presque revenu, l’émotion de savoir que ça me fera même plus mal aux articulations de marcher, de courir, de parler. Parce que je saurai qu’il sera plus très loin, parfois tapi dans l’ombre mais toujours là. J’ai envie de précipiter les choses. J’ai envie de prendre son visage dans mes mains et de l’embrasser très fort, de faire le tour du monde de son visage et de son corps. J’ai envie de toutes ces choses-là, de retourner dans le passé, là où tout n’était que corps célestes (nous les premiers).
Coma tire sur la manche de mon blouson en cuir et il emmène vers le sol. On s’assied comme une seule personne, nos dos contre le mur. Je termine ma cigarette et l’écrase à côté de moi. Maintenant ça va mieux, j’ai les mains libres et l’esprit et le corps tout entiers tournés vers Coma. Ils ne sont rien qu’à lui. Il a passé l’un de mes bras autour de lui et ma main repose un peu plus bas que son épaule. Sa tête est posée contre moi et je l’entends inspirer très fort. On dirait que lui en est au stade « apprendre à respirer ». Chaque chose en son temps, d’accord, j’ai compris. Mais s’il veut bien moi je peux lui donner un peux d’oxygène supplémentaire, je peux même lui donner ma bouteille d’oxygène pour qu’il se remplisse les poumons une bonne fois pour toute. J’ai posé ma joue contre ses cheveux et je ferme les yeux.
- On peut rester un petit peu comme ça ?
Je hoche la tête.
Je ne dis plus rien. Je laisse le silence s’installer entre nous. Mais il n’est pas de ces silences qui sont lourds, de ces silences qui pèsent parfois sur nous épaules et nous cassent. Ce silence il est lourd de sens, lourd de mots. Il signifie un tas de choses. C’est comme une étape. Une étape où chacun réfléchirait un peu de son côté en se posant quelques questions, en prenant le temps de se calmer, de ravaler ses larmes, de les enfouir jusqu’à la prochaine crise, de défaire les nœuds dans la tête dans la gorge dans le ventre dans les jambes dans tout le corps.
Pendant ce silence je pense à Coma.
Je pense qu’il est vraiment temps que l’on arrête les conneries, qu’on se mette à grandir et à aller de l’avant. Et je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, parce qu’on peut pas prévoir, on peut pas donner une ligne de conduite au destin. On est des hommes. On est deux hommes qui évoluent en binômes et le problème c’est que quand y en a un qui se casse la gueule, les deux se bouffent le bitume et ça finit avec quelques égratignures et beaucoup de bleus. On est deux hommes et on n’est pas infaillibles. Je sais qu’on peut pas être blindés de force pour les vingt prochaines années, c’est pas possible. Je sais aussi que les gamelles font aussi partie de l’aventure. Mais, hé, l’important c’est de se relever, pas vrai ? Je pense aussi à Coma. Je pense à Coma et mon cœur se serre dans tous les sens, il est pressé dans un étau et il saigne beaucoup. Je l’ai jamais vu aussi à terre qu’aujourd’hui. Même la dernière fois, lorsque je lui ai dit que c’était terminé entre nous, il était moins blessé. Aujourd’hui je le trouve éteint, je le trouve changé. On dirait qu’il a perdu toutes ses étoiles, toutes ses paillettes et qu’à l’intérieur de lui ce n’est qu’un amas de trou noir. Moi ça me tue. Ça me tue à chaque fois que je pose les yeux sur lui. Parce que j’ai l’impression de l’avoir abandonné, de l’avoir laissé sur le bas-côté alors que je continuais ma route. Je veux pas savoir ce qu’il a fait pendant notre mois d’absence et de silence. Je veux pas savoir ce qu’il s’est infligé parce que je me haïrais de ne pas avoir été là quand il en avait le plus besoin. J’imagine qu’il était comme moi, mais en pire. Qu’il était déchiré de partout. Je me demande s’il s’est retourné la tête. Je pense qu’il a du fumer des tas de gramme d’herbe pour oublier ce qu’il était, pour s’oublier tout court et penser que la vie va plus vite quand on est dans les vapes.
Je me tourne vers lui et prend son visage dans mes mains.
Je voulais pas aller trop vite mais là je m’en fous un peu.
Je fais ce que je veux.
Je sens sa mâchoire saillante contre mes paumes (il a dû maigrir un peu). Mes pouces viennent se promener sur ses joues, sur ses pommettes, sur les ailes de son nez. Cette fois-ci j’ai les yeux bien ouvert et je regarde dans les siens qui ont perdu toutes leurs couleurs. Je vais le rallumer. Je vais le rallumer. Je vais le rallumer. Je te promets, Coma, tu vas devenir autre chose qu’une carcasse. Tu vas devenir un objet céleste, la comète qui allait super vite dans mon ciel et qui dégommait toutes les mauvaises choses pour laisser des traînées de poussière d’étoiles un peu partout.
Mes mains viennent faire le contour de ses sourcils, passent sur ses paupières pour les fermer.
Je pose ma bouche sur son front.
J’embrasse.
Et ça dure.
Ça dure quelques années, quelques siècles.
- Tu m’as manqué.
Je le lâche.
- C’est beau quand t’es là.
J’vois plus clair même si t’es tout gris.
Mon cœur bat moins de traviole.
L’enclume s’en va.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyLun 29 Déc - 20:18

Je sais même si je l’ai aimé comme il faut rien qu’une fois dans ma vie, tout compte fait. Peut-être quand on était petits. Mais ça fait longtemps ça. Y en a des tas, des étoiles, qui ont eu le temps de mourir depuis ce temps-là. Depuis qu’on est amoureux, je crois pas l’avoir aimé correctement une toute petite fois. Même pas au début. Surtout pas au début ... Le début avec Debbie. Et puis après non plus. J’ai alterné entre les couteaux et le bonheur / lui faire mal et l’embrasser. Mais c’est tout. Rien de plus. Rien de mieux. Ce que je sais c’est que je l’ai aimé. Et c’était déjà compliqué. Je l’ai aimé de toutes mes forces, je l’ai aimé jusqu’à plus pouvoir respirer, je l’ai aimé en levant les bras au ciel pour le repousser et nous laisser nous épanouir tranquillement, je l’ai aimé avec mon ventre contracté, mon ventre amoureux, mon ventre vide, mon ventre contre son ventre. Je l’ai aimé sur mon skate ou à côté, je l’ai aimé le cœur par terre ou en bonne santé. Je l’ai aimé comme on aime qu’une fois dans sa vie. Et je sais pas pourquoi je parle au passé composé parce que je l’aime encore, je l’aime toujours et je l’aimerai pour toujours. Notre amour, il résistera à toutes les conjugaisons, il se les fera toutes les unes après les autres pour survivre en avançant dans le temps. Là-dessus j’ai pas peur. J’ai pas peur d’arrêter de l’aimer.
J’ai juste peur de jamais comprendre comment
faire
pour que ça
pour que ça marche, putain.
Comment traduire le mode d’emploi.
Comment lui donner tout ce qu’il mérite.
On dirait que Silas a dit oui à ma question parce qu’on ne bouge plus du tout, il n’y a que le froid qui fait du bruit et qui nous gèle les doigts, et nos cœurs qui chantent timidement aussi. Silence.
C’est un silence qui prend tout ce qui me pèse sur le ventre et sur les épaules pour les jeter à la mer. C’est pas le plus beau silence qu’on ait eu mais c’est pas non plus le pire. C’est un silence auquel se mêlent le bruit du vent, la musique du coucher de soleil et le tapage de nos cœurs qui se remettent enfin à battre au même rythme, comme s’ils ne formaient plus qu’un, à deux. C’est un silence réparateur qui se faufile sous toutes nos cicatrices pour les recoudre avec du fil invisible, parcouru d’étoiles discrètes. Qui donne le temps de se remettre à l’endroit. Qui supprime les larmes et distribue des sourires. Qui ramasse les étoiles (parce que nous, on a trop mal au dos et aux bras, enfin moi en tous cas). Qui peint des fleurs partout sur le bitume pour rendre tout ça un petit peu plus joli, en attendant qu’on s’y remette, nous deux, avec notre amour assez fort pour briser des vitres (comme de l’opéra vous voyez) et pour réveiller les étoiles.
(J’ai enfin retrouvé mon cœur putain. J’arrête pas de le perdre ... Mais là c’est bon je le tiens. Mon cœur délocalisé qui bat, depuis des semaines, qui bat faiblement quelque part vers le bas de mon dos, même qu’on sait pas pourquoi ...)
Il remue à côté de moi.
Est-ce que le temps s’est accéléré ou
Je l’ai pas vu passer
Mais
Il tient mon visage fermement avec ses deux mains froides (même si je peux pas les voir je les imagine toutes blanches et rouges sur le haut des phalanges et autour des ongles, ça me donne envie de leur faire des bisous partout) et il me regarde droit dans les yeux sans les cligner. Ses cils dessinent des ombres toutes minces sur ses joues et c’est magnifique. Et je peux les voir de plus en plus près. De plus en plus près. Je vois même plus que ça. J’ai perdu son menton, ses oreilles, son front et tout ce que j’ai dans mon champs de vision, c’est ses yeux, il fait trop nuit pour voir à quel point ils sont bleus mais moi je les connais par cœur, j’ai pas besoin d’un rappel, et puis c’est plus facile de les inventer quand il est là. Tout près. Tout près, trop près.
Fais pas de bêtises hein.
M’embrasse pas.
Les ... les étoiles sont pas prêtes et ...
Et moi non plus tu vois.
Même si j’en crève d’envie.
Il m’embrasse sur le front et c’est tellement doux, j’en perds mes bras, c’est pour ça que j’arrive même pas à les lever pour le toucher quelque part moi aussi, n’importe où, le ventre, le dos, non, rien, j’ai perdu mes bras désolé. Avec mes mains au bout. J’espère qu’il ferme les yeux parce que moi c’est ce que je fais, je ferme les yeux pour apprécier comme il faut la sensation de sa bouche sur un morceau de mon visage. C’est comme un baiser avec nos deux bouches et nos deux langues et les ratés de nos cœurs, ça fait tout pareil sauf que c’est sur le front et que pour l’instant, ça suffit. Sinon, c’est fini. J’ai envie de lui dire, merci, merci de pas t’être jeté sur moi sur ma bouche, mais il le sait très bien, c’est pour ça qu’il l’a fait. Y a des choses que j’ai pas besoin de lui demander et pour lesquelles j’ai pas besoin de le remercier. Et vice versa. Sauf pour cette fois. Je sais qu’il a envie/besoin que je l’embrasse et je le ferai pas ... Bientôt ...
- Tu m’as manqué. C’est beau quand t’es là.
Je souris.
Je sais pas s’il le voit, mon sourire, mais il l’entend forcément.
Je prends ses mains gelées dans les miennes pour les réchauffer (juste pour le toucher en fait, parce que mes mains aussi sont froides, on dirait qu’elles sont allées sur la lune et qu’elles sont revenues tout de suite après, voyage d’un temps record soldé par une température négative, maintenant).
Je suis assis en biais et je le regarde un peu.
Il est beau, hein ?
(À la lune.)
Il est beau, hein ????
(Aux étoiles.)
Tout le monde est d’accord avec moi, ça se voit, ça brille.
Dans ses yeux aussi ça scintille de trente-six mille paillettes.
Je sais pas comment font ses yeux pour attraper le soleil comme ça.
Même quand y en a pas.
Même la nuit.
(De toute façon il est plus beau que tous les soleils de la galaxie)
Pourquoi mais pourquoi il m’aime autant ? Aussi fort ? À rendre jaloux tous les amoureux de la terre, même ceux qui sont heureux ? Pourquoi il me court toujours après avec ce que je lui ai fait ? Pourquoi il me rattrape à chaque fois que je m’en vais ? Pourquoi il m’oblige toujours à faire demi-tour pour le rejoindre ? Pourquoi il s’acharne autant sur nous ? Je me plains pas, je me pose juste la question. Il doit vraiment voir des étoiles dans mes yeux quand il les regarde. Sinon, il ferait pas ça. Et puis je dois vraiment être misérable comme personne sinon, il se donnerait même pas la peine de me faire survivre. Il doit savoir à quel point je l’aime et je suis amoureux de lui et j’ai besoin de lui. C’est pour ça aussi qu’il fait tout ça. Parce que je l’aime et qu’il trouve que ça vaut la peine, toutes ces dégringolades, tous ces bleus, pour un peu d’amour. Et parce qu’il m’aime aussi. Plus grand que le ciel.
Il m’aime et je l’aime tellement aussi que je vais me bouger le cul.
Et retrouver le bouton qui rallume toutes les étoiles d’un coup.
(C’est un peu le bouton « flemme d’aller allumer chaque étoile, une par une » mais c’est surtout que l’effet des étoiles qui se rallument toutes en même temps, ça doit être spectaculaire.)
Je plonge mon nez dans son cou (là-dedans il fait aussi nuit mais il fait plus chaud) et j’y dépose un baiser. Deux. Trois. Stop. Je roule un peu une pelle à sa nuque et chaque expiration qui s’échoue sur sa peau contient toutes les lettres pour écrire « je t’aime » (et en majuscules, en plus). Et puis je reste comme ça, le visage tout entier dans son cou, les lèvres comme ça, sur sa peau, dans un mouvement figé de baiser, comme si elles étaient encore en train d’embrasser. Un baiser infini qui s’arrête JAMAIS. Ça me va, comme ça. Ça me suffit. Ça suffit à mon ventre pour se tordre de bonheur. Ça me remplit de bonheur pour quelques années encore.
J’aimerais lui dire que je l’aime.
Mais il le sait déjà.
J’aimerais lui dire que je suis désolé pour tout.
Mais il le sait aussi.
Alors je ferme bien ma gueule, je serre bien ses doigts et je reste comme ça. Quand il dira « on rentre », on rentrera, on prend tous les deux le bus de dix-sept heures cinquante-quatre, et ce sera déjà un petit peu comme avant. S’il dit « on reste », on peut rester encore cinq mille ans, sans bouger, à prendre le froid, à choper la crève mais juste pour être ensemble.
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Silas
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyMar 30 Déc - 10:46

Je commence à accepter son silence et je pense que c’est pas très grave. Tous les mots qu’il n’aura pas sur dire maintenant, il finira bien par les parler plus tard. Avec Coma tout est une affaire de temps. Il faut pas être pressé, il faut pas trop lui demander sinon il se braque. Je le connais par cœur, maintenant. Je sais comment il faut être avec lui, je sais ce qui pourra l’irriter et ce qui l’adoucira. Et là je sais que je peux parler tant que je veux, mais je peux pas lui demander de me répondre. Pas tout de suite. Puis j’ai pas envie d’entendre sa voix toute nouée de sanglots. Car je sais aussi qu’il est en train de faire tout son possible pour ramasser toutes ses larmes bien au fond de lui. Ses yeux sont rouges parce qu’il a trop pleuré. C’est pas l’herbe. Ses yeux sont rouges parce que le sel de ses larmes a trop piqué et que l’océan de ses yeux a débordé plus d’une fois. Il ira mieux, je vais aller mieux. Mais ça prend du temps. J’ai bien attendu dix-sept ans avant qu’il m’embrasse sur la bouche. J’ai bien attendu dix-sept ans avant de pouvoir vivre dans une espèce d’euphorie bizarre où les sourires semblent indélébiles. Je sais pas si je serai capable d’attendre dix-sept ans de plus.
On verra combien de temps ça prendra.
(j’espère pas plus de quelques mois)
Son visage vient s’enfouir dans mon cou et je ferme tout doucement les yeux. Pour ne rien voir d’autre que lui par flashs colorés dans ma tête. Je sens son nez qui vient chatouiller ma peau et puis aussi sa bouche qui dépose quelques millions de baisers. J’ai ma bouche sur se fendille en un tout petit sourire. Ça ressemble à du bien-être, à un tout petit fragment de bonheur. Une pause, un baume au cœur. Je souffle un peu et ça me fait beaucoup du bien. Je sens aussi son souffle qui réchauffe un peu, qui s’échoue là. Et puis sa bouche qui reste contre mon cou, immobile, suspendue dans le temps. J’aimerais lui dire merci, merci de t’intéresser encore à nous, d’y croire encore un peu. J’aimerais aussi le rassurer en lui disant que tout va s’arranger, qu’on va réparer nos ailes, rajouter quelques plumes, les agrandir un peu pour pouvoir couvrir de plus longues distances sans se prendre le goudron en plein nez. Mais je pense que tout ça il le sait déjà. Ce qu’il lui faut, à Coma, c’est deux bonnes béquilles, une grande dose de courage et une main tendue. Avec ça je pense qu’il arrivera à se remettre debout et peut-être à marcher correctement.
Tout ce que je lui demande c’est de ne jamais baisser les bras. Pas forcément pour nous, mais dans la vie en général. J’ai lu quelque part que les meilleurs moments de notre vie n’étaient pas encore arrivés. C’est un peu dingue, de se dire ça, surtout qu’avec mes dix-sept ans j’ai déjà vécu beaucoup de jours très très chouettes et très très beaux (merci Coma).
Je ne sais pas si l’amour guérit tout, s’il est capable de tout sauver. Mais je trouve que c’est une belle raison de se battre, de jouer un peu des poings et de forcer le destin s’il le faut. Je pense même que ça vaut carrément le coup de prendre la peine de se lever le matin en sachant qu’il y a quelqu’un sur Terre qui t’aime un peu plus que le reste du monde. Je pense qu’avec Coma on s’aime très fort, très grand et vu comment ça pèse on va pouvoir continuer très loin avant d’en épuiser le stock. C’est pas parce qu’il y a des coupures qu’on ne s’aime plus. C’est pas parce qu’on se saigne un peu entre nous qu’on ne s’aime plus. C’est pas les gamelles, les erreurs de parcours, les mots tranchants qui anéantissent l’amour.
Je crois que ça fait quelque chose comme un quart de siècle qu’on est là, l’un contre l’autre, avec sa bouche qui reste dans mon cou. On pourrait devenir une belle statue qu’il faudrait exposer dans un musée pour les gens un peu trop gris qui ont besoin de lumière. Je pense que tout le monde s’arrêterait devant nous. Et qu’est-ce qu’ils verraient ? Deux garçons serrés l’un contre l’autre qui sont un abri pour l’autre. Un sourire léger, des yeux fermés, des cheveux bataille pour un garçon. Et le visage de l’autre garçon caché dans le cou du premier. Une infinie tendresse entre les eux, voilà ce qui sauterait aux yeux. J’imagine qu’on serait vraiment très beaux, à faire chavirer quelques cœurs et pleurer quelques yeux.
On va peut-être rater notre bus.
On va peut-être oublier de vivre.
Mais je crois que c’est pas très grave parce qu’on est là contre l’autre, dans un silence quasi-religieux qu’il serait malvenu de venir troubler. Je crois que c’est pas très grave parce qu’on est enfin ensemble et c’est ça la chose la plus importante. C’est ça qui compte.
Finalement c’est moi qui casse un peu nous. Je brise l’étreinte et je me mets sur mes pieds. La main de Coma toute froide dans la mienne fermement accrochée à mes doigts. Je le relève. Je lui souris un peu. Un sourire qui dit ça va aller, ça va aller avec plein d’ailes pour voler encore très haut et encore longtemps. J’espère que t’as pas oublié notre fusée et toutes nos planètes à aller visiter parce que moi je suis toujours partant pour y aller, tu peux compter sur moi.
C’est un beau programme qui nous attend.
- Viens, on rentre à la maison.
Je dis.
On reste dans le silence et on marche dans la nuit qui tombe. Finalement, on l’aura pas raté, notre bus. Je suis transi de froid mais à l’intérieur mon cœur est devenu un moteur hurlant qui est bien content de fonctionner comme avant. Dans le bus je lui donne un écouteur et on écoute de la jolie musique, des chansons qu’on aime bien et qui sont un peu joyeuses, aussi. Pendant tout le trajet j’ai gardé sa main dans la mienne, tout en la serrant suffisamment fort pour qu’il n’ait jamais froid.
On arrive à la maison et à l’intérieur toutes les lumières sont éteintes. C’est tant mieux. J’aurai pas eu envie de répondre aux questions des parents qui demandent comme ça a été la journée, et l’école, est-ce que tu as vu Debbie ? Je monte directement à l’étage avec Coma derrière moi. Je pense à toutes ces fois où on a pu grimper ces escaliers. D’abord pour aller jouer dans ma chambre puis plus tard pour y faire l’amour. Ça me fait sourire. Qui l’aurait crû ? Pas moi. Pas avant que ça me tombe dessus comme une drôle d’évidence.
J’allume dans ma chambre et j’y dépose mon sac. Je retire mon blouson que je jette sur le bureau. Je vais m’allonger sur mon lit et j’attends que Coma y vienne. Puis quand il est là je le serre contre moi. Mes bras enroulent ses épaules et j’embrasse dans ses cheveux puis je pose mon menton sur le sommet de son crâne.
- Si t’as besoin de quoi que ce soit, si t’as envie de faire quelque chose, n’importe quoi, tu me dis.
Tout pour te faire plaisir, pour te faire sourire, pour voir un peu d’étoiles au fond de tes yeux, pour voir ton visage se rallumer. Tout pour que tu puisses te dire
je vais mieux
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyMer 31 Déc - 10:06

J’ai fermé les yeux et même si le froid s’est glissé partout sous ma peau, là où le silence s’active toujours à traquer les griffures et les plaies pour les effacer, même si j’ai les os congelés et les muscles engourdis, j’ai chaud au cœur et à la bouche et finalement c’est ça qui compte. Le cœur et la bouche. Le cœur pour aimer et la bouche pour embrasser. L’aimer et l’embrasser. C’est à ça que ça tient ma vie et si aujourd’hui j’ai encore un peu peur de faire ça, l’aimer et l’embrasser, c’est parce que je recommence tout juste à être en vie, justement. Je suis mort et j’ai ressuscité tellement de fois depuis que je suis amoureux de lui, je m’en plains pas hein, quelle aventure, fatigante mais qui vaut le coup, mais j’aimerais bien me reposer maintenant. Finir le lycée, trouver un appartement et acheter un chat de race. Ne plus jamais regarder un autre garçon. Ne plus tomber. Ou alors, tomber et ne plus oublier de s’accrocher à lui pour remonter à la surface. Ne plus gâcher tout ce qui s’est construit en nous et autour de nous, toutes nos galaxies imaginaires et nos soleils de toutes les couleurs.
- Viens, on rentre à la maison.
Je reprends ma bouche et mon cœur.
(Mais je l’aime toujours.
Et j’ai toujours envie de l’embrasser.)
Dans le bus on écoute des chansons, y en a que je connais et qui me rappellent des trucs de nous, c’est des chansons sur lesquelles on a fait l’amour, des chansons qui nous ont accompagnés pour faire nos devoirs, des chansons qui nous ont réveillés dans le bus le matin, des chansons que j’aime et que je connais par cœur presque autant que j’aime et que je connais par cœur Silas. Y en a que je connais pas du tout, ça me rappelle que j’ai pas été là pendant un mois et qu’un mois, c’est long, c’est assez pour découvrir des millions de chansons. C’est pas grave. Je pleure pas. Je pleure plus on a dit. J’écoute juste ces bouts de lui que je ne connaissais pas jusque-là, ces morceaux de mystère qu’il s’est fabriqués quand j’étais occupé à faire n’importe quoi. J’écoute surtout la musique parce que je comprends pas les paroles mais je suis sûr qu’elles sont belles. Sinon, Silas, il les écouterait même pas. Silas, y a que ce qui est beau qui l’intéresse.
(Je sais vraiment pas ce que je fous dans sa vie.)
On est dans le bus et on écoute de la musique ensemble.
Mais surtout : nos mains se lâchent pas.
Si tu passes à côté de nous et que tu vois ça, tu te dis, oh, c’est juste deux mecs qui sont en couple et qui se tiennent par la main.
Mais c’est plus que ça, pour nous c’est des millions de promesses (que personnellement je préfère pas dire à haute voix de peur de dire encore une connerie, on sait jamais quoi), c’est un retour à la normale, c’est l’amour qui revient à la charge. Non non, je vous lâche pas mes cocos, j’en ai pas encore fini avec vous, j’aimerais finir le travail et proprement, après je vous laisserai faire votre vie tranquille, mais d’abord j’aimerais bien terminer ce que j’ai commencé, d’ailleurs ce serait sympa de vous laisser faire un peu, l’autre blond là il arrête pas de faire foirer mon plan de vous faire vous aimer pour toute la vie, il me résiste tout le temps, dis, toi, l’ange, là, tu pourrais pas le canaliser un peu, ton amoureux ? Dis-lui que ça fera pas mal. Dis-lui que s’il arrêtait de gesticuler dans tous les sens et faire des bêtises comme personne, ça se passerait beaucoup mieux. Je veux juste vous aider moi. Je suis là pour vous sceller pour toute la vie.
Ah ...
Pardon madame ...
Et « l’autre blond », comme a dit madame l’amour, l’autre blond, là, c’est-à-dire moi, il retombe peu à peu sur ses pieds, petit à petit il se retrouve, il recommence à être entouré de beauté. Là par exemple, y a deux choses. D’un côté, derrière la fenêtre, y a la nuit, avec son collier d’étoiles et la reine-lune, la nuit sans nuages qui laisse toute la place aux paillettes célestes et c’est tellement beau. De l’autre, y a Silas. Pas besoin de faire un dessin. Silas, deux yeux, un nez, une bouche, et quatorze millions d’autres détails sur son visage que je pourrais même pas vous décrire. (Je parle même pas de son corps.) Du coup, je sais plus où donner de la tête. Parce que la nuit c’est bien joli, mais ça vaut pas la bouche de Silas. En même temps, si je me mets à le regarder sans bouger et sans rien dire, j’ai peur d’avoir l’air bizarre ou de le gêner.
Je regarde la nuit.
Et je serre un peu plus sa main.
Je prends des vitamines.
Je reprends des forces.
Il y a une rue à traverser avant d’arriver chez lui.
On marche encore dans la nuit sans faire de bruit.
Il est toujours plus petit que moi mais ce soir, j’ai l’impression qu’il fait deux mètres tellement je le trouve Grand et Formidable. Je souris. Pour moi, là.
Chez lui il y a personne et j’en suis bien content. J’avais pas envie de tomber sur ses parents et qu’ils me disent : ah bonsoir Coma, dis donc ça fait longtemps qu’on t’a pas vu, oh t’as l’air fatigué toi, allez donc vous reposer, montez en haut faire une petite sieste. J’ai pas envie de gaspiller mon temps à dormir alors que je pourrais plutôt le regarder. J’avais pas envie de tomber sur Debbie non plus, Debbie et ses yeux orage, ses yeux magnifiques (c’est les mêmes que Silas, moins les étoiles) mais ses yeux orages à force de me voir briser le cœur de tous les Pollock. Elle doit plus trop m’aimer, Debbie, et j’ai pas envie de le voir sur son visage. Je le sais très bien. Respire, Coma.
Sa chambre.
La fenêtre.
La couette débraillée.
Le bureau mal rangé.
Tous les souvenirs.
Ça me fait tout petit de revenir dans sa chambre et en même temps c’est bien, ça veut dire que les choses se remettent enfin à l’endroit, qu’elles sont retournées à leur place initiale, la bonne place qui nous garantit un peu de bonheur tous les jours. Ça me rend tout ému d’enlever ma veste en jean et mes chaussures et d’aller me coller contre lui sur son lit et en même temps, c’est parfait, c’est magnifique, c’est magique, c’est étoilé, ouf, enfin, ça y est.
- Si t’as besoin de quoi que ce soit, si t’as envie de faire quelque chose, n’importe quoi, tu me dis.
Je hausse les épaules.
J’ai juste besoin de toi.
Toi, toi, toi.
- Toi ça suffit.
J’ai parlé dans son torse, ça fait une drôle de voix.
- Et une pizza ...
(Ça fait des semaines que j’ai eu vraiment faim.)
Je relève un peu la tête, croise ses yeux qui prennent toute la place sur son visage, souris, embrasse son oreille, pour qu’il entende le mieux possible le bruit de mon bisou.
Je vais me remettre à marcher, vous savez ? Mieux que ça, même : je vais courir. Plus rien pourra m’arrêter. Ce sera pas Silas qui continuera à me dire de me bouger, cette fois, non, c’est moi tout seul qui vais me lever et lui dire : c’est parti. C’est moi tout seul qui vais donner une direction à ma vie. Et Silas sera là. Parce que ma vie sans Silas ça fait des années que c’est plus possible, que ça existe plus, depuis le premier jour où je l’ai vu, depuis la première fois que je lui ai parlé. Même s’il me dépasse parfois, même si d’autres fois je sais pas quoi lui dire tellement je le trouve parfait, même si on se fait mal souvent ... Il sera toujours le plus grand bout de ma vie, la moitié de mon cœur. On courra, on ira chercher les étoiles et on s’embrassera. Mais plus tard. Plus tard le marathon, le ciel, l’amour. Laissez-moi me reposer. Laissez-moi évacuer mes courbatures. Ça fait des semaines que je desserre pas les poings, que j’écoute des chansons suicidaires, que je me prends tous les trottoirs, meubles, murs et escaliers qui passent par là. J’ai besoin de procrastiner un petit peu dans les bras de ...
Silas.
(J’allais dire « mon amoureux » mais j’sais pas encore.)
Silas.
Ça suffit.
C’est bien.
Silas.
Mon cœur, mes bras, mes veines, mes coudes, mes talons, mon trône, ma couronne, mon château fort, mes jours, mes nuits, mes pauses, ma planète, mes astéroïdes, mes météorites, mes étoiles, mes béquilles, mes plâtres, mes bandages, mes réussites, mes bonnes notes, mes plus belles ratures, ma lumière, mon soleil, mon étincelle, mon chez-moi, mon point de départ, ma crève, mon médicament, mes poings décidés, mes bonnes résolutions, mes bonnes actions, mes levers de soleil, mes couchers de soleil, ma survie, mon oxygène, ma fusée, mon skate, mon équilibre, mes dessins dans mes cahiers, mon école buissonnière, mes clopes, mes joints, tout.
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptySam 3 Jan - 20:09

Et voilà. J’ai le nez dans ses cheveux et je tiens son corps tout contre moi et il me semble que je vais bien, de nouveau. Que je vais vraiment bien. C’est vrai, toutes les mauvaises pensées ont été chassées, les larmes séchées. Même ma bouche recommence à se détendre et à retrouver sa fonction d’origine, ce qu’elle sait faire de mieux : sourire. J’ai l’impression que tous les passages à vide et les passages houleux n’ont jamais existé et que lui dans mes bras ça dure depuis toujours que ça ne s’est jamais arrêté. J’ai pas envie que ça s’arrête, j’ai plus envie que ça s’arrête. J’ai mon nez dans ses cheveux et c’est le plus bel oreiller du monde. J’ai la chaleur de son corps contre mon torse et c’est le meilleur radiateur de la Terre. Voilà, je revis. Je revis enfin. On dirait même que je pourrais être capable de retourner au lycée sans avoir les larmes au bord des yeux, sans avoir les mains qui tremblent. On dirait que je pourrais être capable de retrousser mes manches et de serrer les poings pour casser la gueule à tous ceux qui nous traitent de pédés mais aussi au garçon qui a osé poser ses mains sur le corps de Coma.
Je me sens capable de tout.
Plus fort que tout le monde.
Plus grand, aussi.
J’ai cette espèce de vague qui grandit à l’intérieur de moi. Cette force mystique qu’ont les amoureux. Cette puissance venue du cœur qui ravage tout, qui ne laisse derrière elle que des belles choses, des choses passionnées, amoureuses. Et c’est splendide. C’est splendide parce que tout ce que je sème derrière moi, derrière nous, c’est rien que le fruit de tout le chemin parcouru avec Coma depuis toutes ces années. Et c’est incroyable, je vous jure que c’est incroyable. Même moi quand j’ose me retourner j’ai les yeux éblouis. C’est pur, c’est immense. Quelque chose qui fouette le visage, non, tout le corps. Un peu à la manière du vent sur les falaises qui surplombent la mer. C’est quelque chose de cet acabit là.
- Toi ça suffit.
C’est ce qu’il dit et le sourire revient illuminer mon visage fatigué. Mes mains caressent un peu son dos, du bout des doigts, pour ne pas le froisser, pour le garder en forme, pour ne plus l’abîmer comme j’ai pu le faire plus d’une fois, mais sans faire exprès toujours.
- Et une pizza ...
J’ai laissé échappée quelque chose qui ressemble à un rire. Un relâchement de poitrine, la bouche et les cordes vocales qui s’ouvrent en même temps pour laisser s’exprimer mon corps. On se regarde un peu, une petite seconde. Je lui envoie des éclairs de tendresse, des éclairs assez forts, qui ont suffisamment d’électricité pour venir se déposer sur le visage de Coma comme une pluie. Le sourire est aussi revenu sur ses lèvres et je voudrais le capturer avec ma bouche, sur le bout de la langue, du bout de mes lèvres. Le garder en moi et m’en souvenir toujours. Son sourire est de ceux qui réapprennent comment faire, il est encore maladroit mais je sens, je sais qu’il est plein de sincérité et de vigueur nouvelle. Un quelque chose qui va le faire tenir sur ses deux cannes et pour un bout de temps encore.
Il vient embrasser mon oreille. Ça claque contre mon tympan et je voudrais transformer notre étreinte en une séance de câlins et de bisous qui dureraient jusqu’à demain matin. Ce serait histoire de rattraper le temps perdu, de recoller les pots cassés. De lui faire comprendre que je l’aime toujours et pas en tout petit, non, que je l’aime en très très grand et que de mon côté les étoiles brillent toujours si jamais les siennes se sont éteintes. Et que s’il veut je peux aussi monter dans ma fusée, aller en chercher quelques unes, de quoi remplir mon sac à dos mais surtout son ciel à lui. Dans quelque temps nos cœurs vont se remettre à battre à l’unisson.
Du temps : voilà la clef de la guérison.
Du temps pour les coupures, les égratignures, les fêlures, les genoux blessés, les cœurs en morceaux, les courbatures, les maux de tête, de corps et d’âme.
Du temps.
- D’accord. Reste là, je reviens.
Je dis.
Je le pousse un peu pour pouvoir me relever. Je laisse une main reposer sur sa cuisse. Mes yeux s’attardent un peu sur lui, juste de quoi photographier son visage que je n’ai pas vu aussi détendu depuis un mois. Je me mets sur mes jambes et descends les escaliers. Je pense que le retour de l’appétit c’est une bonne chose, ça veut dire que le corps reprend ses désirs primaires, que la tête arrête d’avoir mal. Une fois dans la cuisine, je cherche une pizza dans le congélateur et la mets au four. Je sais pas trop si c’est comme ça qu’il faut faire. Je suis un peu nul pour ces choses-là. Je veux bien écrire, dessiner, parler, inventer, embrasser, étreindre, caresser. Mais pour ce qui est du reste … Je tire une cigarette d’un paquet resté là et je l’allume. C’est pas une cigarette anxieuse, mais plutôt une cigarette heureuse. Celle qui teinte une jolie émotion d’un peu de nicotine. Comme celle qu’on prend après l’amour. C’est un peu ça. Même si on est pas allés au-delà que le tee-shirt, je crois que c’est une jolie victoire. C’est vrai, c’est le retour de l’avant, le retour des petits gestes, le retour de lui contre moi, de ses mains, de ses jolis genoux, de son visage, de ses cheveux, de ses coudes, de ses côtes, de tout. Ma cage thoracique à moi se sent moins comprimée et on dirait que de plus en plus d’air circule dans mes poumons. Ça ava vraiment aller.
On dirait le bout du tunnel, là-bas.
Comme ça brille !
Je reste assis-là, à tirer un peu sur ma clope et attendre que ça cuise, là-dedans. Je suis sûr que je vais rester béat à la regarder manger parce que je serai trop heureux de le voir là, dans ma chambre, de la nourriture sur les genoux. Je pense très fort que je l’aime et j’espère que mes pensées volent jusqu’au-delà du plafond pour l’atteindre. J’ai vraiment envie, j’ai vraiment envie que tout roule, qu’on s’embrasse dans le bus et au lycée. Qu’on se tienne la main devant nos faux-copains et qu’on se mette à leur taper dessus à la sortie des cours pour pouvoir évacuer toute la colère et la tristesse accumulée au fil de la journée. C’est tout ce qu’ils méritent. Je pense que c’est aussi à cause de garçons comme eux qu’on devient dingues, qu’on se crie dessus, qu’on pète les plombs. Parce qu’ils sont là, sans arrêt, à se moquer à critiquer à sortir leurs langues de vipères à cracher sur deux garçons qui savent mieux s’aimer que la moitié du lycée. Forcément ça titille les nerfs, ça agace la conscience. Et ça tire, ça tire sur la tête, sur le corps. Ça tire sur l’enveloppe et puis il reste plus rien.
J’écrase la cigarette dans le cendrier.
Je crois que ça a fini de cuire.
Ça prend du temps aussi de réfléchir.
Je sors la pizza et la pose sur une assiette. Avec un couteau je prends soin de découper en parts égales. Au final y en a pas une seule qui ressemble à une autre mais je crois que c’est comme ça que je préfère. Inégales.
Je monte dans les escaliers avec la nourriture et débarque dans la chambre. Je la pose sur le bout de mon lit et regarde Coma, les joues un peu roses.
- J’suis désolé je … j’ai jamais trop fait ça mais j’espère que ce sera bon.
Je tire la chaise de mon bureau et m’assied dessus, à côté de mon lit. Mes yeux s’aventurent de nouveau sur celui que j’aime. J’imprime de nouveau les courbes et les angles de son visage. Sa géométrie complexe et imparfaite. Je pense à toutes ces fois où j’ai embrassé la pulpe de ses lèvres, le cartilage de ses oreilles, l’os de sa mâchoire.
Il est beau.
C’est ce qui résonne dans ma tête. Un écho lent et continu.
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Coma
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MessageSujet: Re: MOI SANS TOI   MOI SANS TOI EmptyDim 4 Jan - 9:47

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