Le chagrin finit par tuer. Sous ma peau blafarde mes veines éjaculent des torrents de sang noir ; le rouge n'est plus, c'est ta haine qui l'a sali. La vie s'est changée en cet aigre breuvage qu'il me faut avaler, comme des gouttes, une à une, en comptant sagement jusqu'à en exhumer les liqueurs. Désormais je suis lasse, écœuré, presque honteux d'être empli de toute cette mélancolie. Voilà tout le mal que tu as laissé derrière toi ; mon cœur asséché d'amour et mon âme accablée de mille déplaisirs. On n'abandonne pas un fils comme on jette un amant, on ne balance pas sa progéniture comme les ordures en bas de la rue. Je sens couler des pleurs que je vais retenir. Les poings serrés, les phalanges tâchées de bavures blanches ; j'ai les ongles qui s'enfoncent sous ma peau. Une, deux, trois, je compte les familières griffures, les marques mauves que tu m'as laissé. Plus rien ne fait mal. Le temps a soigné les blessures, en omettant de poser le baume au cœur.