Les mots mangent les gens, et les gens ne mâchent pas leurs mots. Je suis l'enfant de la détresse, du pêché, de l'insoutenable. Je suis l'abandonnée de beaux jours, la marionnette du destin.

C'est le bordel, dans ma tête, mon coeur, mon âme, tout est confus, une longue spirale qui semble ne pas avoir de fin. Et pourtant je fais de mon mieux, pour m'occuper, garder le sourire, penser à autre chose. Ceux qui sont là, ils pensent à leur vie passée, ils essaient de s'remémorer les instants heureux. Je peux même pas le faire, ça. Je suis une condamnée, une âme en perdition, sur le chemin de la mort. J'ai pas envie de me battre, j'ai pas envie de jouer l'enfant sociable, ni celle qui dirige le reste du groupe. Je veux pas m'enfuir, je peux pas m'enfuir. J'ai laissé mon corps tombé dans les abysses de la faiblesse au moment même où j'ai cessé le feu. J'ai baissé la tête, baissé les yeux, je me suis dit que ça en valait pas la peine. Je suis là, enfermée dans la liberté. Je regarde les nuages et je me dis que je pourrais être parmi eux. Parfois je me confonds en sourire, en bafouillements, parce que j'ai perdu le concept de la vie en communauté. Je suis celle qu'on approche pas, qu'on ne touche pas par peur de la briser, à qui on ne parle pas par peur de la heurter. Je suis plus forte que tout ça, j'ai un coeur en béton, il a survécu à bien des choses. Je suis une survivante, et une naufragée. J'ai été laissée en vie dans un monde dont je ne connais plus rien, est-ce ça, la libération? Il est où, le paradis qu'on m'avait promit après ma mort? Pourquoi tant de mensonges, pourquoi si peu de vérité. Je suis l'enfant damnée par sa propre mémoire, celle dont le coeur a été scellé une nuit d'hiver il y a un an de cela. Je suis celle dont les sourires se font rare mais existe pourtant, celle qui a peur des autres mais qui les admire secrètement. J'ai le mal de la vie, le mal de moi-même, et pourtant, je survis. Ici, partout et nulle part, physiquement, mentalement, d'une façon, ou d'une autre. ▲