pixie elle est ici parce qu'elle a passé trop de temps à recoudre des sourires, à réparer des gens brisés, à câliner des âmes poussièreuses, à jouer le rôle de la bonne fée, celle qui d'un coup de baguette magique redonne de la joie aux gens. pixie elle est ici parce qu'elle a passé trop de temps à dire je t'aime, sois heureux, qu'elle a passé trop de temps à regarder le bonheur à travers autrui sans jamais se soucier du sien. elle a oublié qu'elle était nola, qu'elle était conscience, qu'elle était être humain. elle a oublié des choses et d'autres, elle a oublié de se rendre heureuse, elle a oublié de mettre son pyjama dans ses bagages, elle a oublié la table de 9, elle a oublié de se nourrir. elle se nourrissait de la joie autour d'elle, la joie qui volait et s'écrasait contre les parois de sa cage de verre, elle se nourrissait des rires, des sourires, du bonheur et des bons moments, sans jamais prendre part à tout ça, toujours ailleurs, toujours préoccupée par autrui, toujours soucieuse des choses qui ne sont pas les siennes.
les cookies pour les nouveaux voisins.
réparer le genou blessé du petit qui est tombé sur la chaussée.
faire les courses pour maman.
acheter du gin pour papa.
préparer un déjeuner pour maman.
changer la couche du bébé.
faire le devoir de groupe, décrocher une bonne note.
faire la bise.
sourire, toujours, sourire et être aimable.
puis elles sont arrivés dans sa vie, elles ont tout brisé, elles l'ont brisée. d'un geste du menton, d'un regard méprisant, transformer la douce fleur en caillou maudit. on a pas besoin de ta bonne humeur, on s'en branle, dégage, t'es fausse, dégage pixie. parce qu'ici si t'es gentil, t'es une tapette, t'es un fayot, t'as pas le droit d'être, tu peux pas exister, les sourires et la gentillesse, ça peut pas être réel, ça peut pas être de bonne volonté, pixie veut sûrement quelque chose, elle cherche à s'auto-satisfaire, ils pensent, c'est obligé, elle peut pas être vraie dans cet état. puis elle s'est mise à chercher elle-même ce qui allait pas chez elle, dans ses gestes, dans ses intentions. puis elle a fini par ne plus agir. ses ailes arrachées par la tempête, les genoux sur le bitume, sa baguette brisée entre les doigts.
y'a plus de fée, juste une fêlée. son rire s'échappe, s'engouffre dans les couloirs, se faufile contre les murs et finit dans les toilettes. les toilettes, contre le mur froid, une aiguille et un fil qu'elle peut pas se résoudre à planter dans sa peau pour se recoudre elle-même. elle savait recoudre les autres, elle est pas capable de le faire pour elle-même. quelle jolie poésie brisée sur le sol des toilettes, les genoux en sang et le regard mort.
elle ne fait plus que murmurer et souffler, elle secoue la tête à tout ce qu'on lui demande, elle voit ses notes chuter et les gens lui faire les gros yeux. elle veut s'enfuir, trouver un autre endroit. c'est pour ça qu'elle a fait sa valise, qu'elle a couru jusqu'à trouver l'endroit, loin des tous, proche des riens. ces riens qu'elle connaît mieux que tout. au revoir nola, au revoir parents, au revoir le bébé, au revoir la ville assassine.