Elle est partie, tu sais.

Oui, je sais. Je ne suis pas malade. Je sais qu'elle est partie, je ne le nie pas. Je suis pas malade, non. Je suis pas malade.

Alors pourquoi t'es encore là, à ressasser tout ça ?

Parce qu'au fond, je ne peux pas me résoudre à ne plus l'aimer. Je ne sais pas, c'est comme ça. J'ai essayé, ça s'arrête pas. Au fond, je contrôle pas. Et je me suis perdue, en moi. En elle. En la vie. Perdue, c'est ce que je suis devenue. Jamais là où il faut. Dans l'instant présent, rarement. Toujours dans ma tête, à divaguer. Dans le passé. Au gré de mes pensées, qui m'emportent, au loin. Dans des parts de moi-même que je ne connais pas. Je me perds, je me noie. Aide-moi. Sans toi, il fait froid. Sans toi, il n'y a pas de couleur. Reviens, reviens-moi. T'es ma vie en couleur, t'es l'arc-en-ciel à toi seule. Tu ne sais pas. Tu ne vois pas. T'es tellement plus que ce que tu peux voir de toi-même. Eh, je suis là. Reviens-moi. Tout me manque de toi. J'ai que des souvenirs de nous deux. Des images, qui s'effacent, lentement. Je ne veux pas les laisser partir, les souvenirs. C'est tout ce qu'il me reste de toi. C'est tout ce qu'il me reste de nous. Je ne veux pas oublier. Je ne veux pas oublier, ces deux années. Je ne veux pas oublier la joie de vivre. Je ne veux pas oublier le bonheur.

C'est pas bien, tout ça, tu sais. D'y penser, comme ça, de ressasser tout ça. Tu vas te rendre malade. T'es déjà malade. Malade d'elle, malade de toi. Malade d'amour. Malade de ton espoir. Malade de ta vie. De la vie. Folle à lier. Bonne à enfermer. C'est pas bien pour toi, tout ça. Tu te tortures tu sais. Parce que, non, elle ne reviendra pas. Laisse tomber, laisse là. Cherche pas. C'est comme ça. Cherche pas de raison quelconque. Cherche pas dans ta tête comment ça pourrait être. C'est du gâchis, de l'espoir vain. Je ne sais même pas d'où ça te vient, tout ça. Je ne sais pas. T'es pas malade ? T'as la maladie d'amour.

Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je me suis perdue, au détour d'un chemin, quelque part. Je ne sais plus où je vais. Ça cloche quelque part, dans ma tête, il y a quelque chose qui va pas, quelque chose qui bloque. C'est comme si mon esprit s'était scindé en deux parties. Qui se chamaillent, qui se battent, qui luttent. Et moi, je suis là, comme spectatrice de moi-même. A ne pas comprendre ce qui m'arrive. A écouter les voix dans ma tête. A les écouter, encore et encore, tourbillonner, s'entrechoquer. Mon côté utopiste voudrait que la vie ne soit pas faite qu'ainsi. Que tout ne soit pas complètement noir et complètement froid. Qu'il y ait forcément une raison à tout. Une raison, pour que je l'aime encore, et encore, depuis tout ce temps. Sans relâche, aucune. Mais c'est un sentiment humain, après tout, non ? De chercher une raison à tout ça. Un comment, un pourquoi. Alors pourquoi ça fait mal, comme ça ? Quelque part, dans les plus profonds abysses de mon âme, la part rationnelle de mon esprit gronde, et me hurle la réalité.

Tu espères quelque chose qui n'arrivera pas. Réveille-toi. Tu rêves éveillée, sors de là ! Oui, la vie peut être injuste et mal foutue. Triste, noire, avec des nuances de gris. Fade. Sans goût aucun. La vie, c'est pas tout beau, c'est pas tout rose. La vie, c'est dégueulasse, c'est amer. La vie, c'est injuste. La vie c'est morne et sans aucun sens. Pourquoi on est là ? Pourquoi on respire ? Pourquoi on est né ? Pourquoi on est pas encore mort ? Pourquoi pour certain c'est facile, et pour les autres c'est dur ? Pourquoi elle est partie, pourquoi elle t'a laissé ? Tu vois, comme  ces questions sont sans réponse ? Parce que parfois, il n'y a pas de réponse à donner. Parfois, il faut juste accepter, et bouger. Alors cesse d'espérer. Tu souffres, tu te fais du mal pour rien. Tu dois accepter et avancer. Tu dois lâcher prise.


Lâcher prise...

Je reviens à la réalité. J'étais là, assise sur la plage, avec pour seul compagnon, mon sac. Les yeux perdus dans la grande bleue. L'esprit perdu, dans le passé.

J'ai beaucoup marché, et cherché. Peut-être quelque part où aller. J'ai quitté ma vie. Pour oublier. Pour partir au loin. Vers l'inconnu. J'ai pensé, que peut-être, peut-être ça m'aiderait. A réapprendre à vivre. A recommencer. Pour ne plus me noyer. Pour ne plus m'étouffer. Pour pouvoir y croire, encore. Un peu, au moins. Pour ne pas sombrer. M'accrocher. Rien ne me retenais vraiment. J'ai quitté cet endroit, que j'appelais «chez moi». Cet endroit froid, qui a eu raison de moi. Je suis partie au loin. Au gré de la route et des chemins.
J'ai entendu parler de cette maison, sur la route. L'Endroit, qu'ils ont dit. Un lieu pour les âmes en peine, les âmes errantes, les âmes blessées. Je me retourne vers elle. Quelques pas et une simple route me séparent de ses grands murs blancs, et de ses occupants. Je la contemple, encore un peu, de loin. Hésitante.

Qu'est-ce que tu attends ? Qu'est-ce que tu risques, qu'est-ce que tu as à perdre ? Tous ces gens, ces enfants, ils sont comme toi. Cassés. Écornés. Comme les pages d'un livre trop trimbalé. Ils cherchent aussi à refermer leurs blessures, à panser leurs plaies. Tu pourrais rencontrer des gens, échanger. Ce que tu veux. Juste des mots, des phrases ou des dialogues entiers. Tu pourrais oublier. Tu pourrais accepter. Ou tu pourrais, au moins, essayer.

Je me lève et prend mon sac.