du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été heureux. Mais d'une joie morne, quelque chose de basique. Qu'on finit par oublier, qu'on noie parmi tous les autres sentiments, qui surnage à peine.
Alors lorsqu'on a parlé de déprime, puis de dépression, j'ai trouvé ça juste. Après tout, j'avais déjà trouvé le bonheur. Tout le monde ne le fait pas. Alors il était normal que je paie cet affront à l'humanité. Même si ma joie n'avait pas été celle décrite dans les livres.
Oh bien sur, vous allez me dire, grands philosophes de pmu, que le bonheur est indescriptible, qu'il a de nombreux visages. Que j'avais du connaitre le bonheur, je ne savais seulement pas le dire avec les mots de Baudelaire. Soit, je ne suis pas un poète de génie, je vous l'accorde. Mais tout de même, rien ne m'a jamais ému, ne m'a jamais touché. J'ai attendu l'amour, les "je t'aime". Rien n'y a fait, je me suis donc dit avec l'âge, plus "sage", que j'étais tellement chanceux de gouter au bonheur que rien ne pourrait me rendre encore plus heureux.
Rien ne me touchait, je devais donc avoir atteint le nirvana de la béatitude dans ce monde gris.
Mais ce paradis est si semblable chaque jour, qu'il a entrainé mon "autodestruction", mot entouré en rouge dans le cahier du médecin. On m'a mis sur la côte, espérant que le roulis des vagues et l'écume pourraient avoir un quelconque effet sur mon état de bonheur constant. Rien n'y a fait, même la chiure de mouette sur le manteau à trois cent balles de maman n'a pas pu amplifier mon bonheur.  J'étais beaucoup trop heureux pour vivre.